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Scène XII

Les Mêmes, Gentillac

Gentillac. — Voilà ! Voilà ! (Il arrive d’un pas rapide. Arrivé à la hauteur d’Artémise et voyant sa figure, il fait, sans interrompre la cadence de son pas, une volte sur lui-même, les yeux au ciel, la bouche ouverte, avec une expression de navrement comique puis, quand il se retrouve face à face avec elle, il a un sourie aimable sur les lèvres.) Je vous ai fait attendre ?

Fauconnet. — Mais naturellement ! tu nous laisses là, tous les deux !… Comme c’est amusant !…

Artémise. — Ah ! ce n’est pas gentil, ce que vous dites là !

Fauconnet. — Non, non, mais vous comprenez bien ce que je veux dire… c’est pour le souper !

Gentillac. — Naturellement ! (bas). Je te félicite sur ta perle !

Fauconnet. — Oh ! je suis déshonoré !

Gentillac, voyant le lorgnon d’Artémise. — Qu’est-ce qui lui a donc poussé sur le nez ?

Fauconnet. — Je crois que c’est son binocle. Dis donc, c’est toi qui vas la ramener, n’est-ce pas ?

Gentillac. — Moi ? Jamais de la vie !

Fauconnet. — Comment ! Jamais de la vie ?

Gentillac. — Ah ! mais pas du tout !

Fauconnet. — Alors, quoi ! Ca va être moi, peut-être ?

Gentillac. — Mais dame ! Quoi, c’est toi qui l’as amenée !

Fauconnet. — Eh bien, justement !… je l’ai amenée, à toi de la ramener.

Gentillac. — Turlututu ! Ca te regarde, mon bonhomme !

Fauconnet. — C’est ça !… Alors j’ai tout, moi, n’est-ce pas ?

Gentillac. — Absolument !

Artémise. — Ah ! çà ! qu’est-ce que vous avez à vous chamailler comme ça tout bas ?

Fauconnet. — Rien, nous discutons à celui qui vous reconduira…

Artémise. — Oh ! c’est trop gentil de vous disputer pour ça… Mon Dieu, je regrette, mon cher monsieur Gentillac, mais il me paraît plus naturel que ce soit monsieur !

Elle indique Fauconnet.

Gentillac. — Là, tu vois !

Fauconnet. — Hein ? Mais non, mais non, c’est bien aimable, mais je vous assure qu’étant donné ma situation !…

Artémise. — Comment !…

Fauconnet. — Oui… je suis marié… ça n’a donc rien de personnel. D’ailleurs je l’avais dit, même avant que vous n’enleviez votre domino, ainsi…

Artémise. — Hein ?

Gentillac. — Charmant.

Fauconnet. — Non, ce n’est pas ce que je voulais dire !

Gentillac. — Laisse donc, laisse donc ! Tu ne dis pas ce que tu penses !… Il en grille d’envie, madame… Seulement il veut se sacrifier pour moi.

Artémise. — Vraiment !

Fauconnet. — Mais non, mais non !