Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 2, 1948.djvu/25

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Marthe. — Et maintenant, je vous quitte.

Dufausset. — Ah ! je garderai cela toute ma vie…

Marthe. — Ça, ça vous regarde… L’économie est une belle qualité… Au revoir et merci !…

Elle sort par la droite.

Scène IX

Dufausset, puis Amandine

Dufausset, seul. — Que peut-elle me dire ? (Il développe.) Tiens ? ce ne sont pas des cailloux,… c’est de l’argent ! Ah ! les six sous… Elle aurait pu les garder. (Il lit.) "Je sens que je fais des folies et que j’en ferai d’autres. (Parlé.) Est-il possible ! Ah ! cher ange ! (Lisant.) Ne dites rien à mon mari." (Parlé.) Tiens, parbleu ! pas si bête ! (Lisant.) "Je ne dis rien non plus." (Parlé.) Je l’espère bien… (Lisant.) "Soignez bien mon serin !…" (Parlé.) Son serin ? Ça doit être son mari… elle a une façon d’appeler les choses… (Gagnant la droite.) Certainement je le soignerai ton serin… C’est dans l’ordre cela… (Lisant.) "Et si vous voulez être tout à fait adorable… (Parlé.) Voyons ? (Lisant.) Achetez-moi une paire de jarretières bleues !" (Parlé.) Hein ? une paire de… Mais je crois bien… elle est exquise… une paire de… On ne voit ça qu’à Paris… Mais je vais courir lui en acheter des masses… (Lisant.) "Je vous embrasse. (Signé.) Amandine Landernau." Ah !

Amandine, du fond. — Le ténor… je suis émue…

Dufausset. — Ah ! Amandine, chère Amandine !…

Amandine, descendant. — Il pense à moi…

Dufausset. — Oui, va, je te donnerai des jarretières…

Amandine. — Il veut me donner des jarretières !

Dufausset. — J’en ferai venir un lot… Ah ! mais tu m’aimeras, dis, Amandine, tu m’aimeras ?…

Amandine, digne. — Mais, j’aime mon mari, moi, monsieur !

Dufausset. — Hein ! Vous !… mais, je n’en doute pas, Madame… (À part.) Qui est-ce qui lui demande quelque chose ? Encore une qui a l’araignée !…

Amandine, à part. — Je l’ai intimidé, pauvre garçon… (Haut.) C’est-à-dire, j’aime mon mari, mais non au détriment des autres amitiés…

Dufausset. — Ah ! vraiment !… (À part.) Qu’est-ce que ça me fait, à moi.

Amandine. — Ne rougissez pas, jeune homme…

Dufausset. — Je ne rougis pas !…

Amandine. — Ainsi, quand je vais dans la colonne Vendôme… Ne blanchissez pas, jeune homme !

Dufausset. — Mais je ne blanchis pas !

Amandine. — Souvent on se croise, on se rencontre… une fois, entr’autres… il descendait, je montais… je me suis effacée…

Dufausset. — Allons donc ! Comment avez-vous fait ?

Amandine. — Il m’a frôlée… Ne verdissez pas, jeune homme !

Dufausset. — Mais je ne verdis pas !… Elle voudrait me faire passer par toutes les couleurs !…

Amandine. — Et de ce frôlement a jailli l’étincelle… Je n’ai pu le voir, lui !… mais j’ai entendu sa voix. (Impérative.) Jeune homme !…

Dufausset. — Bon ! quelle couleur à présent !