Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 2, 1948.djvu/26

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Amandine. — Jeune homme ! Dites un peu pour voir : "Tiens, on a mis un bouchon dans la colonne !"

Dufausset, répétant. — "Tiens, on a mis un bouchon dans la colonne !"

Amandine. — Ça n’est pas du tout la voix… C’est sans doute parce qu’il nous manque la colonne ! Mais ce ne peut être que lui… il n’y en a pas tant qui m’aient frôlée !…

Dufausset. — Non, mais pourquoi me raconte-t-elle tout cela ?

Amandine. — Vous dire combien cette rencontre dans la colonne m’a brisée, écrasée…

Dufausset. — Ça ne m’étonne pas, c’est si étroit !…

Amandine. — Depuis, ce souvenir me hante… Alors, je sens des effluves de sang qui me remontent… et des battements là et là… ça fait : "… brououou" partout.

Elle passe au deuxième plan.

Dufausset, à part. — Pauvre petite ! (Haut.) Parfaitement… Eh ! bien, j’ai connu une dame qui avait ça… on lui a fait prendre des purgations… et quelques mois après, elle accouchait.

Amandine. — Est-il possible ! Ah ! le ciel m’en préserve… (À part.) Je crois que j’ai trop brusqué tout à l’heure…

Scène X

Les Mêmes, Pacarel de gauche, Landernau du fond, Marthe de droite, Julie du fond.

Pacarel. — Ah ! mes amis, je suis aux anges… il a une voix, voyez-vous…

Landernau. — Tu l’as fait chanter ?

Pacarel. — Non, mais je l’ai entendu tousser, et il a un creux ! Aussi, j’ai immédiatement écrit aux directeurs de l’Opéra pour demander une audition.

Marthe. — Si tu le priais de chanter quelque chose…

Pacarel, passant devant Landernau et allant à Dufausset. — Volontiers… Mon cher Dufausset…

Tous. — Dufausset ?…

Pacarel. — Oui, chut !… je ne vous l’ai pas dit… il est le fils naturel de Dufausset… Mais ne lui en parlez pas, cela lui ferait de la peine…

Il remonte.

Landernau. — Oh ! le pauvre garçon ! (Il va serrer la main à Dufausset par condoléance.) Croyez que je prends bien part…

Dufausset. — Vous êtes trop aimable !… (À part.) Qu’est-ce qu’il a le médecin ? (Haut.) À propos de quoi…

Landernau. — Rien, chut !… Je respecte les blessures…

Dufausset. — Vous avez raison, ça regarde les chirurgiens. (Landernau remonte. À part.) Quelle drôle de famille !…

Pacarel. — Dites donc, chantez-nous donc quelque chose ?

Dufausset. — Moi ? vous n’y pensez pas !…

Pacarel. — Voyons, c’est bien le moins.

Dufausset. — Quelle sacrée manie ils ont de vouloir me faire chanter !