Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 2, 1948.djvu/251

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Clarisse, stupéfaite en voyant son mari une femme dans les bras. — Ah !

Artémise. — Sa femme !

Clarisse. — Ah ! çà !… qu’est-ce que vous faites là ?

Fauconnet, cherchant Gentillac. — Sa femme ! c’est sa femme ! où est-il, où est-il ?

Clarisse. — Qui ça !

Fauconnet. — Gentillac ! C’est sa femme ! (à Artémise) Et ça va mieux, ça va mieux ?

Artémise. — Quoi ?

Fauconnet. — Le petit os ! (à Clarisse). Elle avait avalé un petit os… Alors je lui tapais dans le dos !… n’est-ce pas ?

Artémise. — Oui, oui !

Fauconnet, représentant. — Ma femme. Mme Gentillac ! une vieille, vieille amie. (Les femmes se saluent.) Mais elle n’est pas à moi… Son mari est allé lui chercher de l’eau… pour l’os…

Clarisse. — Ah ! çà ! qu’est-ce que vous racontez ?

Fauconnet. — Mais la vérité, chère amie, la vérité (appelant) Gentillac ! Gentillac !

Voix de Gentillac. — Voilà !

Fauconnet. — Tu vois, il répond !… il répond… c’est l’ami dont je t’ai parlé. Ah ! bien je suis content de te voir. Qu’est-ce que tu viens faire ici ?

Clarisse. — Mais dame ! tu m’écris : "Nous soupons au Café Anglican avec Gentillac… viens nous y retrouver ! "

Fauconnet, à part. — Sapristi !

Clarisse. — "Amène Emilie…"

Fauconnet, à part. — Je me suis trompé d’enveloppe ! (haut) Oui, oui !

Emilie. — Monsieur a été bien bon de penser à moi… seulement, j’étais au lit…

Fauconnet. — Ah !…

Clarisse. — Mais oui… et moi j’allais me coucher… Quelle idée t’a pris de nous faire venir ?

Fauconnet. — Eh bien ! voilà !… Tu as une petite tache…

Clarisse. — Ca ne fait rien !

Fauconnet. — Notre Conseil d’Administration a duré moins longtemps que je ne pensais, n’est-ce pas… J’ai dit à Gentillac : "Viens-tu souper avec moi ! " Il m’a répondu : "Je ne peux pas, j’ai ma femme !… Eh ! bien, amène-la, ai-je donc dit… et je dis donc : "J’envoie un mot à la mienne pour qu’elle vienne…" Et voilà comment je t’ai écrit…

Clarisse. — Ca c’est gentil… Mais pourquoi m’avoir fait amener Emilie ? j’ai dû la faire lever.

Fauconnet. — Tiens ! c’est de la poudre !… pour que tu ne viennes pas seule à cette heure-ci. Et j’ai… j’ai pensé que ça l’amuserait, cette fille, de voir comment on sert dans les grands restaurants…

Emilie. — Ah ! bien, à cette heure-ci, c’est une drôle d’idée !… Je ne tiens pas à m’amuser, moi, quand je dors !

Fauconnet. — C’est une occasion d’apprendre le service !

Emilie. — Oh ! mais je connais déjà les principes, Monsieur, j’ai un cousin qui était omnibus au Lion d’Or !

Fauconnet. — Ainsi, voyez ! Elle a un omnibus dans sa famille !… Un omnibus de famille !

Emilie. — Le fils de ma tante, même, la sœur à maman…