Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 2, 1948.djvu/38

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il ne faut plus y penser… Qu’est-ce que vous savez faire, voyons ?… Avez-vous une belle écriture ?… Savez-vous compter ?

Dufausset. — Heu !… Heu

Pacarel. — Voyons… 35 et 9, combien ça fait ?…

Dufausset. -… 35 et 9 ?… (Comptant sur ses doigts.) 35, 36, 37…

Pacarel. — Voyons… 35 et 9 ?… Vous avez besoin de compter sur vos doigts ?

Dufausset. — Non… Seulement, sur les doigts… c’est plus commode.

Pacarel. — Oh ! plus commode… Il suffit qu’on ait un doigt de moins… alors… il n’y a pas moyen de faire une opération juste… (À part, passant au deuxième plan.) Non !… Mais qu’est-ce que je vais faire de ce gaillard là ?… (Haut.) Enfin, je ne sais pas… on tâchera de vous employer d’une façon quelconque… Vous ferez des courses… Et puis, le matin, vous aiderez à faire les chambres… vous donnerez un coup de plumeau…

Dufausset. — Moi ?…

Pacarel. — Oui… vous !… Il faut bien vous rendre utile à quelque chose ! Prendre des ténors à trois mille cinq cents francs comme domestiques, c’est raide !… on aurait un nègre pour moins cher… Et ça ferait plus d’effet.

Il remonte au fond, deuxième plan.

Dufausset, à part. — Moi !… Dufausset… faire les chambres… Je vais écrire à papa.

Pacarel, revient au deuxième plan. — Ah !… dites donc… et puis vous savez… pas un mot à Tiburce… des app… des gages que je vous donne… Il n’aurait qu’à avoir les mêmes prétentions, merci !… (Remontant. À part.) Ah ! si je pouvais arriver à le repasser à quelque imbécile !

Il sort fond à droite.

Scène VII

Dufausset, Julie

Dufausset. — Oh !… c’est trop fort !… M’humilier de la sorte !… Ce matin, il me choyait, il me mettait des foulards et maintenant il me reçoit comme un chien dans un jeu de quilles !… Oh !

Julie, de la droite, deuxième plan. — Vous êtes en colère, monsieur Dufausset ?

Dufausset. — C’est votre père. Mademoiselle… Il veut que je fasse les chambres, que je cire les parquets, votre père…

Julie. — Oh !

Dufausset. — Un peu plus… il m’appellerait larbin…

Julie. — Pauvre jeune homme !… Papa ne pense pas ce qu’il dit… (À part.) Peut-on faire de la peine à un si gentil garçon !

Dufausset. — Oh ! mademoiselle, il m’a profondément blessé… et si je n’étais retenu par les charmes d’une personne…

Julie, à part. — Est-il possible ? (Haut.) Une jeune personne ?

Dufausset. — Une jeune personne mais je ne peux la nommer.

Julie. — Non… Ne la nommez pas ça me ferait rougir…

Dufausset. — Il n’y aurait vraiment pas de quoi… (À part.) Amandine doit avoir reçu mon billet maintenant, que va-t-elle penser ?