Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 2, 1948.djvu/41

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Tiburce entre à ce moment et attend en voyant ses maîtres causer.

Pacarel. — Comment veux-tu qu’on prenne un ténor qui n’a pas de voix…

Tiburce. — Je demande pardon à Monsieur, mais dans tous les commerces, il y a toujours un moyen de requinquer les rossignols… Ainsi mon père, qui était maquignon, quand il avait une rosse à vendre… il lui mettait un grain de gingembre sous la queue et ça faisait l’affaire… J’indique ce remède à monsieur…

Pacarel. — Je vous remercie, si vous n’avez que cela à me proposer…

Tiburce. — Dame !… pour le moment, mais je venais dire à Monsieur… que M. Lanoix était là.

Pacarel. — Faites entrer.

Tiburce. — Bien, monsieur.

Tiburce introduit et se retire.

Lanoix, saluant. — Futur beau-père… future belle-mère…

Marthe, vexée. — Future belle-mère…

Pacarel. — Vous venez pour votre fiancée…

Lanoix. — Oui, figurez-vous, je n’ai pas de chance ; je l’ai attendue au grenier, elle n’y était pas.

Pacarel. — Elle est au jardin.

Lanoix, à part. — Attention à ne pas dire de bêtises… Le remède à maman… (Il tourne sa langue sept fois.) Je lui apporte ce bouquet (Même jeu), à ma fiancée (Même jeu), je serais si heureux de la voir.

Marthe, se levant. — Qu’est-ce qu’il a ?

Pacarel, se lève aussi, — Tiens, ça vous arrive souvent ? (À part.) Julie me l’avait bien dit. Je ne m’en étais jamais aperçu…

Marthe. — Si vous voulez voir Julie… Elle est au fond du jardin… elle regarde tuer les hannetons.

Elle se rassied et brode.

Lanoix, tournant la langue. — Vous en avez beaucoup de hannetons ?

Pacarel, à part. — Ah ! mais… il est crispant avec son tic. (Haut.) Et il n’y a pas de remède à ça ?

Lanoix. — Si…. on prend de l’eau bouillante et on échaude… ça tue radicalement…

Pacarel. — Hein ! En voilà un traitement… Non, moi, je connais un autre moyen. J’ai entendu parler d’une spécialité… d’un nommé Démosthène, qui mettait des petits cailloux… Vous pourriez essayer…

Lanoix. — Pour les hannetons ?…

Pacarel. — Mais non !… pour votre machin, là…

Il l’imite.

Lanoix. — Oh ! pour mon… Oh ! ça… ça n’est rien… Ne vous inquiétez pas… Allons… je vais retrouver Mademoiselle Julie.

Fausse sortie.

Pacarel. — C’est cela… Ah ! dites donc… pendant que j’y pense, vous n’auriez pas besoin d’un ténor ?

Lanoix. — Non… ma mère cherche un cuisinier.

Pacarel. — Eh ! bien… voilà !… je lui céderai mon ténor… il est très solide… C’est un gaillard… il fait les courses…

Lanoix. — Mais un ténor…

Pacarel. — Oh !… il chante si peu…

Lanoix. — Qu’est-ce qu’il demande ?