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Pacarel. — 3.500 francs par mois, c’est pour rien…

Lanoix. — Hein !… pour un cuisinier !… Mais il est fou !

Pacarel. — Sans le vin, ni le blanchissage…

Lanoix. — À ce prix là… sous aucun prétexte…

Pacarel. — Je te dis… personne… personne n’en voudra !

Lanoix. — Je me sauve !…

Il se retire, fond droite.

Pacarel. — Enfin… si vous entendez parler, n’est-ce pas ?

Scène XII

Pacarel, Marthe

Pacarel, gagne la droite. — Ah ! s’il pouvait donc seulement retrouver pour vingt-quatre heures sa voix… Si on pouvait, avec du gingembre, comme pour les chevaux… après, parbleu, ça me serait bien égal qu’il n’ait plus de voix, une fois que je l’aurais casé.

Marthe, à part, assise. — Il serait peut-être temps de parler à mon mari pour le signal ; faut-il dire oui, décidément ? Ah ! ma foi, tant pis… oui… mais comment faire ? Ah ! quelle idée ! (Elle se lève, va à Pacarel. Haut à son mari.) Dis donc… alors, tu voudrais bien que Dufausset retrouve sa voix ?… Eh bien ! j’ai peut-être un moyen… je ne garantis rien…. tu sais, je te le donne pour ce qu’il est… non.. je n’ose pas ! tu vas rire…

Pacarel. — Non.. non… va donc !

Marthe. — C’est un peu de l’empirisme… d’ailleurs c’est une tireuse de cartes qui me l’a enseigné… il paraît que c’est infaillible… Quand un chanteur perd sa voix… il y a un moyen bien simple de la lui rendre.

Pacarel. — Eh bien ?…

Marthe. — Eh bien !… voilà… Quand Dufausset entrera, tu agiteras ton mouchoir comme ça… en disant trois fois… "coucou… ah ! le voilà !"

Pacarel, tirant son mouchoir, l’agite. — Oui… Et puis ?

Marthe. — C’est tout…

Pacarel. — C’est ça ?… Il est stupide ton moyen…

Marthe. — Ça ne coûte rien de l’essayer…

Pacarel. — C’est un remède de bonne femme… Enfin… j’essayerai, ça ne lui fera toujours pas de mal.

Marthe, à part, remontant et redescendant au deuxième plan. — Ah !… Et l’heure à présent !… Deux heures, c’est une bonne heure. (Haut, brusquement) Ah !

Pacarel. — Quoi ?

Marthe. — Tourne-toi…

Pacarel. — Mais, pourquoi ça ?

Marthe, traçant deux rates à la craie dans le dos de Pacarel. Une… deux… voilà ! deux heures !

Pacarel. Aïe ! tu me chatouilles… Qu’est-ce qu’il y a ?

Marthe. Ah ! non… rien… j’avais cru voir une bête sur toi !

Pacarel. — Eh ! bien ?..

Marthe. — Eh ! bien non, j’avais vu double. (À part.) Et maintenant Dufausset saura à quoi s’en tenir…

Elle sort à droite, deuxième plan.