Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 2, 1948.djvu/49

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Landernau. — Dame, c’est clair… une voix ne se perd pas en deux jours… Mon dieu ! qu’il la perde à la longue, ça pourra arriver… parce qu’il a quelque chose qui lui fera du tort à mon avis… je le crois très noceur, ce garçon là. Et tu sais, pour la voix…

Pacarel. — Ah ! tu crois que…

Landernau. — Lui !… mais il suffit qu’il aperçoive un cotillon. (Remontant pour s’assurer que personne n’écoute et redescendant au deuxième plan.) Mais tiens, ici… tu n’as rien vu, toi… Eh ! bien, il est une femme autour de qui il tourne.

Pacarel. — Comment, je n’ai rien vu… (À part.) C’est sa femme, parbleu !

Landernau. — Oh ! je ne la nommerai pas.

Pacarel. — Non ! (À part.) Ah ! le maladroit, il s’est fait pincer.

Landernau, à part. — Je ne la nommerai pas, parce que c’est sa femme.

Pacarel — Je t’assure, Landernau, cela n’est pas.

Landernau. — Tiens, parbleu, il ne te l’a pas dit !

Pacarel. — Si, si, au contraire, il me l’a dit… il m’a dit : vous savez, Pacarel, j’ai l’air de… Eh bien, pas du tout, ça n’est pas ça ; je vous assure qu’il n’y a rien.

Landernau. — Je te crois, tiens !… Ah ! et puis, tu sais, moi je veux bien ; pour moi, je m’en fiche !

Pacarel. — Ah ! tu… c’est une bonne pâte…

Landernau. — Mais c’est égal, toi, méfie-toi !

Pacarel. — Pourquoi donc ça, mon ami… tu t’en fiches, je fais comme toi.

Landernau. — Ah ! bon, alors… (À part.) Il est philosophe.

Il gagne la droite.

Scène III

Les Mêmes, Dufausset

Dufausset, entrant du fond. — C’est moi.

Pacarel. — Ah ! vous voilà, mon cher Dufausset ; je vous ai entendu faire des roulades tout à l’heure.

Dufausset. — Moi, jamais de la vie !

Pacarel. — Comment, jamais de la vie !

Landernau. — Non, il dit vrai… je l’ai cru, moi aussi d’abord… mais c’était l’eau dans le réservoir… l’eau qui montait.

Pacarel. — Ah ! c’était l’… Elle chante bien !… Comme vous d’ailleurs ! Car vous avez une voix… Ah ! farceur… vous avez beau la rentrer… ça éclate !… et timbrée !… Ah ! ah ! ah ! Etes-vous assez timbré !

Dufausset. — Moi ! pas plus qu’eux, par exemple.

Pacarel. — Allons ! voyons, pas de cachotterie…nous sommes des roublards, nous ! faut pas essayer de nous la faire… laissez la donc sortir…

Dufausset. — Qui !

Pacarel. — Eh ! votre voix, vos ut.

Dufausset. — Vos ?

Pacarel. — Zut.

Dufausset. — Merci… j’avais bien entendu.

Pacarel. — Ah ! bien, alors, allons-y… N’est-ce pas, nous savons tous que vous êtes un ténor de la plus grande valeur.