Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 2, 1948.djvu/59

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Lanoix. — Je n’en ai pas.

Pacarel. — Allons, tant mieux !

Julie, venant de gauche. — Bonjour, monsieur Lanoix.

Lanoix, allant à Julie et passant au deuxième plan. — J’allais vous le dire, mademoiselle.

Julie, imitant sa façon de tourner la langue. — Vous allez bien ?

Lanoix, la singeant. — Mais… une, deux, trois, quatre… une, deux, trois, quatre, très bien.

Pacarel. — Allons mes enfants, je vous quitte. (À Dufausset.) Mon cher, rendez-vous utile… dans votre situation on peut vous demander ça… Ce sont deux fiancés… il faut les laisser à leurs épanchements… mais en même temps il est convenable de ne pas les abandonner complètement à eux-mêmes, c’est l’usage, c’est l’étiquette… Vous allez les surveiller… pour la forme… en ayant soin de ne pas les gêner… en vous promenant ici de long en large sans vous mêler à la conversation… pour ne pas déranger leur tête-à-tête…

Dufausset. — Allons, me voici bonne d’enfants pour adultes.

Pacarel sort par le fond.

Scène XI

Les Mêmes, moins Pacarel

Dufausset arpente la scène au pas militaire, allant du fond à l’avant-scène et réciproquement.

Julie. — Eh bien, rien de nouveau ?

Lanoix. — Rien… j’attends un joint… jusqu’à nouvel ordre, nous continuons à dissimuler.

Julie. — Moi, je n’ose pas dire à papa… j’aime mieux que ça vienne de votre côté.

Lanoix. — C’est comme moi avec ma mère… je voudrais que ça arrivât de vous.

Dufausset. — Je dois avoir l’air d’un tatou…

Julie. — Il est évident que vous n’avez rien de ce qu’il faut pour être mon époux.

Dufausset lance de temps en temps des vocalises.

Lanoix. — C’est comme vous, je reconnais que vous êtes très gentille, mais vous n’êtes pas du tout mon type.

Julie. — D’abord vous avez le nez trop long.

Lanoix. — Moi, je n’aime que les blondes.

Dufausset. — S’épanchent-ils tout de même !

Julie. — Et puis je n’aime pas les peintres… On ne peut pas les toucher sans se fourrer de la couleur.

Lanoix. — Eh bien, moi, comme peintre, je n’aime que les cocottes, parce que là on est sûr d’en trouver, de la couleur.

Julie, passant au deuxième plan. — Oh ! Oh ! vous avez dit "cocotte".

Lanoix. — Pardon, j’aurais dû tourner ma langue.

Julie. — Oh ! non… ça m’est égal !… je ne dois pas savoir ce que cela veut dire.

Dufausset, vocalisant. — Ah ! ah ! ah ! ah ! ah !

Lanoix. — Dites-moi… pourquoi est-ce qu’il se promène comme ça, ce monsieur ?… Il ne vous fait pas mal au cœur ?