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Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 2, 1948.djvu/93

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Scène 3

Angèle, puis Savinet et Ribadier

Angèle. — Dormez ! Dormez ! Mais il est fou ! Qu’est-ce qu’il a ? Oh ! il se passe ici quelque chose d’anormal ! (Bruit de voix extérieures.) C’est mon mari ! et il n’est pas seul !… Ah ! ma foi, dormons ! J’aurai peut-être comme cela la clef de cette énigme ! (Ribadier entre précipitamment et referme brusquement la porte sur lui, mais rencontre une résistance. Une personne est derrière la porte, qui veut entrer.) Lui !

Elle affecte de dormir.

Ribadier, un chapeau trop large à là main. — Enfin, monsieur, avez-vous bientôt fini ?

Savinet, de l’extérieur. — Je vous dis que j’entrerai !

Ribadier. — Mais non !

Savinet. — Mais si…

Il donne une poussée à la porte et pénètre.

Ribadier. — Mais sapristi ! Qu’est-ce que vous voulez ?

Savinet, un chapeau, trop petit pour lui, à la main. — Enfin ! je vous tiens !

Ribadier. — C’est bien, attendez !

Savinet. — Oui !

Ribadier descend lever la mèche de la lampe.

Angèle, à part. — Qu’est-ce que cela veut dire ?

Ribadier, après avoir levé la mèche. — Angèle dort toujours, je suis tranquille ! (À Savinet.) Ah çà ! me direz-vous ce que vous voulez, monsieur ? Je ne vous connais pas !

Savinet. — C’est bien, monsieur, ne criez pas ! je dois vous dire ce qui m’amène ! Mais d’abord, faites sortir mademoiselle votre fille !

Ribadier. — Où ça, ma fille ? Là, c’est ma femme !

Savinet. — Eh bien ! faites sortir votre femme !… Ce que j’ai à vous dire ne peut être entendu que de nous !

Ribadier, allant à lui. — Vous pouvez parler sans crainte, monsieur, ma femme dort et quand elle est dans cet état, on pourrait tirer le canon à côté qu’elle ne l’entendrait pas !

Savinet. — N’ayant pas de canon sur moi, je ne puis en faire l’expérience ! Mais du moment que vous me l’assurez ! Monsieur, je n’irai pas par quatre chemins… Un mot vous dira tout, je suis M. Savinet !

Ribadier. — Aïe !

Angèle, à part. — Savinet !

Ribadier, après avoir regardé Angèle qui ne bronche pas. — Mais monsieur, ça ne me dit rien du tout !

Angèle, à part. — À moi non plus !

Savinet. — Ça ne vous dit rien ? Alors, je vais être plus explicite ! Monsieur, vous êtes l’amant de ma femme !

À ce mot, Angèle bondit sur sa chaise, elle semble vouloir sauter sur son mari, mais se ravise et retombe sur son fauteuil.

Ribadier. — Moi, monsieur ?

Savinet. — Oui, vous ?

Angèle, à part. — Le misérable !