Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 3, 1948.djvu/26

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fatigué ! mes paupières me tombent sur les yeux… Ah ! c’est bon de les fermer !

Tout debout, simplement appuyé contre le canapé à gauche, il ferme les yeux et somnole.

Eloi. — Alleï, j’ai défait la malle… (Apercevant Valencourt qui somnole en lui tournant le dos.) Oh ! le patron qui est seul !… si j’essayais pour une fois le moyen de Justin !… (Il va à pas de loup derrière Valencourt, lui fait des passes en roulant de grands yeux et en murmurant à voix basse, ainsi que Justin le lui a indiqué. Valencourt, à ce moment, laisse à moitié tomber sa tête comme un homme endormi. Regardant Valencourt.) Hein ! il dort !… j’ai endormi le patron… Ah ! bien, alors, ça va, à c’t'heure ! (Il s’approche de lui en lui envoyant un coup de pied comme il l’a vu faire à Justin pour Boriquet, puis lui tendant la main.) Alleï ! Alleï ! donne-moi vingt francs !

Valencourt, se réveillant en sursaut. — Hein ! c’est toi, malheureux !

Eloi, effaré. — Ah ! il ne dormait pas… Il ne dormait pas !

Valencourt, le rattrapant. — Qu’est-ce que tu as fait, polisson ?… Qu’est-ce que tu as fait ?…

Il le bourre de coups de poing.

Eloi. — Ah ! là ! là !… Ah ! là !… là !

Valencourt, le bourrant. — Tiens ! Tiens ! Tiens ! Tiens !… et tu sais, tu vas décamper et un peu vite !

Eloi. — Oui, Monsieur,… Oh ! là ! là !

Il tourne autour du canapé, poursuivi par Valencourt.

Valencourt. — Ah ! tu te permets !… Tiens, tiens !… (Il le bourre puis lui envoyant un coup de pied.) Tiens, et file !

Eloi, se sauvant par le fond. — Oh ! là ! là ! Oh ! là ! là !

Valencourt. — A-t-on jamais vu !… se permettre de lever la main sur moi… Ah ! le scélérat ! (Apercevant Boriquet qui revient sans son crochet, mais toujours endormi.) Mon gendre, du calme !

Scène XIV

Valencourt, Boriquet, Justin, Francine.

Francine, se désolant, en suivant Boriquet. — Ah ! mon Dieu ! Ah ! mon Dieu !

Boriquet a regagné exactement la même place où il était au moment où il s’est endormi sous l’empire de la suggestion ; immédiatement sa figure change d’expression et il se réveille, pendant que tout le monde le regarde avec anxiété.

Boriquet, reprenant le fil de sa conversation comme si de rien n’était. — Et alors… Et alors… (A Valencourt.) Qu’est-ce que je disais donc ?

Valencourt. — Quand ?

Boriquet. — A l’instant.

Valencourt. — A l’instant ? Vous ne disiez rien. Vous transportiez des bûches.

Boriquet. — Quoi ?

Valencourt. — Vous transportiez votre bois, si vous aimez mieux.

Boriquet, riant, au public. — Il radote, le docteur !