Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 3, 1948.djvu/27

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Justin, bas à Valencourt, derrière le canapé. — Monsieur !… Je vous ai dit que ça le vexe !…

Francine, très tourmentée. — Mon Dieu ! Mon Dieu !

Valencourt. — Moi, si j’étais vous, j’aimerais mieux faire des haltères !

Boriquet. — Hein ? pourquoi des haltères ?

Valencourt. — Parce que ça vaudrait mieux que des crochets de bois.

Boriquet, considérant Valencourt. — Ah !

Valencourt. — Et avec ça, un peu de quinquina au fer.

Boriquet, au public, après un temps. — Positivement, il radote… (Haut à Valencourt.) Voyons, docteur, nous sommes en train de causer contrat et vous venez me parler d’haltères et de quinquina.

Valencourt. — Ah ! vous croyez que… (A part.) Ah ! çà ! est-ce qu’il serait réellement un peu détraqué ?

Boriquet. — Quand aurai-je l’honneur de parler seul à seul avec mademoiselle votre fille ?

Valencourt. — C’est juste, je vais vous l’envoyer ! (A part.) Il faudra que je l’observe, ce garçon-là.

Il sort à droite.

Scène XV

Les Mêmes, moins Valencourt

Francine. — Tu n’es par un peu souffrant, mon chéri ?

Boriquet. — Qui ?… Moi ?… Ah ! çà, qu’est-ce que vous avez tous enfin ? Est-ce que j’ai l’air souffrant, Justin ?

Justin, pendant ce temps, tout en observant, plie les serviettes et remet tout en ordre sur le petit meuble. — Monsieur a l’air d’un charme.

Boriquet, à Francine. — Là ! Et maintenant, va par là… ma future va venir… Je veux être seul.

Francine. — Bien !

Elle sort à gauche en poussant un soupir.

Boriquet. — Elle est drôle, ma soeur… (A Justin.) Vous aussi, Justin, je n’ai pas besoin de vous.

Il s’assied sur la chaise de droite.

Justin. — Oui, Monsieur… (Il feint de remonter.) Allons, c’est le moment ! (Il redescend à pas de loup derrière Boriquet et lui fait des passes dans le dos.) V’lang ! V’lang !… aïe donc !

Boriquet, sous l’influence des passes, s’est peu à peu endormi.

Justin, venant devant lui. — Ca y est !… Et maintenant, Boriquet, ta fiancée est laide, horrible ! n’est-ce pas qu’elle est horrible ?

Boriquet, endormi. — Oui ! oui !

Justin. — Tu n’auras pas peur de le lui dire ?

Boriquet. — Non ! non !

Justin. — Tu lui diras que tu ne veux pas l’épouser, et tu seras très impoli, n’est-ce pas ? Aussi malhonnête que tu pourras, c’est entendu ?

Boriquet. — Oui ! oui !

Justin, voyant entrer Emilienne à droite. — La voilà ! je me sauve !

Il sort vivement par le fond.

Scène XVI

Boriquet, Emilienne