Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 3, 1948.djvu/31

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Ils font mine de sortir.

Eloi, entrant en pleurant. — Ah ! Ah ! Ah !

Emilienne. — Eloi ! Qu’est-ce que vous avez ?

Valencourt. — C’est encore vous, polisson !

Eloi, pleurant. — Ah ! Monsieur… je tombe une fois à vos genoux.

Il tombe aux genoux de Valencourt.

Emilienne. — Qu’est-ce qu’il a ?

Eloi. — Pardonne-moi, Monsieur, pardonne-moi !

Valencourt. — Vous pardonner ?

Eloi. — Oh ! oui Monsieur… pour la familiarité que je me suis autorisée avec vous….

Valencourt. — Vous appelez ça une familiarité !

Eloi. — Ce n’est pas ma faute, savez-vous Monsieur… ça est la faute à Justin, le domestique, qui m’a accordé l’exemple… Alors ça m’a donné de l’ambition, oui Monsieur, pour essayer sur vous, parce que ça m’aurait aidé dans le ménage.

Valencourt. — Qu’est-ce que vous chantez ?

Eloi. — Oh ! je chante pas Monsieur, je n’ai pas le cœur, mais je dis que Justin il fait toujours ça avec son patron. (Imitant les passes de Justin.) Des machines comme ça… et puis comme ça… et "je veux que tu dormes ! " et allez donc avec des yeux… des yeux spécifiques et alors son patron il dort, soi-disant…

Valencourt. — Oh ! quel éclair !

Eloi. — Et c’est ça qui m’a donné la folie des grandeurs ! Oh pardon, Monsieur, pardon !

Valencourt. — Oui, je devine… ces crises… ces accès… c’est clair, le domestique hypnotisait ces malheureux.

Eloi, suppliant. — Monsieur…

Il remonte petit à petit pendant la scène jusqu’à la porte du fond.

Valencourt. — C’est bien, oui ! Où est-il ce Justin ? (Remontant en appelant.) Justin !

Emilienne. — Mais qu’y a-t-il ?

Valencourt. — Rien ! laisse-moi faire ! (Appelant.) Justin !

Justin, entrant de gauche. — Monsieur m’a appelé ?

Valencourt. — Arrive ici, misérable ! Qu’est-ce que tu as fait ?

Il le prend au collet et l’amène au milieu du théâtre.

Justin. — Moi, Monsieur !

Valencourt. — J’en apprends de belles !… c’est toi qui te permets d’endormir ton patron… c’est toi qui te permets de l’hypnotiser !

Justin. — Moi, Monsieur… qui vous a dit ça ?…

Valencourt. — Je le sais… et sa sœur aussi ! hein, avoue !

Justin, se débattant. — Lâchez-moi, Monsieur.

Valencourt. — Je te dis d’avouer…

Justin, se débattant. — Vous ne voulez pas me lâcher… Ah ! bien, attendez.

Emilienne. — Ah ! mon Dieu !

Justin, pendant que Valencourt le tient toujours au collet, essaye de tirer de ses facultés magnétiques un moyen de défense, et s’efforce d’hypnotiser son adversaire en faisant des passes sur lui, en le magnétisant du geste et du regard.