Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 3, 1948.djvu/32

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Valencourt, voyant son jeu. — Ah ! tu veux jouer à ce jeu-là avec moi… Ah ! bien, tu tombes bien !

Valencourt, sans le lâcher, se met à le fixer dans le blanc des yeux… Justin le fixe également et les deux hommes, luttent à qui endormira l’autre.

Emilienne. — Eloi, je vous en prie, séparez-les !

Eloi. — Laissez, Mademoiselle, ça c’est un combat de gladiateurs.

Valencourt, tout en luttant, à Justin. — Tu n’as pas l’air de te douter que j’étais un des plus forts de l’école de Nancy.

Justin. — Oui, oui, nous verrons.

La lutte continue, résistance de part et d’autre, suivie avec anxiété par Emilienne, avec admiration par Eloi. Enfin, Justin, vaincu, terrassé par le fluide supérieur de Valencourt, est tout entier sous sa domination.

Valencourt. — Allons donc ! (Plaçant son doigt entre les deux yeux de Justin et avec ce seul doigt le tournant face au spectateur.) et voilà l’homme !

Eloi. — Bravo !

Emilienne, rassurée et joyeuse. — Ah ! papa !

Valencourt, à Justin. — Et maintenant, à genoux ! Justin se met à genoux. Valencourt va ouvrir la porte de gauche et appelle Boriquet et Francine.) Venez, vous autres !

Scène XX

Les Mêmes, Boriquet, Francine

Boriquet. — Vous êtes encore ici, monsieur !

Valencourt. — Oui et vous allez en entendre de belles !

Francine, voyant Justin à genoux. — Ah ! qu’est-ce qu’il fait là, à genoux ?

Valencourt. — Justement, mademoiselle, c’est lui qui a la parole !… Tout à l’heure, n’est-ce pas, je vous ai pris pour des fous.

Boriquet. — Ah ! ne revenons plus là-dessus, je vous prie.

Valencourt. — Au contraire, j’y reviens ! car non ! vous n’étiez pas fous… et l’instigateur de tous vos actes qui avaient l’allure de la démence, le voilà !

Boriquet et Francine. — Mais quels actes ?…

Valencourt. — Oh ! parbleu, vous ne pouvez pas en avoir conscience, vous étiez hypnotisés !

Boriquet, incrédule. — Nous ? Allons donc !

Valencourt, se tournant vers Justin. — Oui, comme il a cherché aussi à m’hypnotiser moi-même, mais là il avait affaire à plus forte partie et c’est lui qui dort à présent ! Vous allez voir ! Allons, parle, toi !…

Boriquet et Francine, stupéfaits. — Oh !

Valencourt. — Et d’abord, avoue que tu as été un misérable et que tu t’es conduit comme un scélérat avec tes maîtres…

Justin. — Oh ! oui, j’ai été un misérable ! c’est moi qui endormais tous les jours le patron, pour lui faire faire l’appartement, cirer les parquets, monter le bois et enfin tout mon service !

Boriquet et Francine. —