Julien sort.
Madame Grosbois. — Ça, par exemple ! c’est la fatalité !…
Rudebeuf, entrant. — Madame, excusez… (Reconnaissant madame Grosbois.) Hein !
Madame Grosbois. — Ah ! mon ami, comme vous arrivez bien.
Rudebeuf. — Ah, ça !… Comment, vous êtes ici ?
Madame Grosbois. — Oui. A l’instant, je pensais à vous.
Rudebeuf. — Comment, vous êtes installée chez Chatel-Tarraut ?
Madame Grosbois. — Non, chez Le Brison. C’est lui qui a loué le château.
Rudebeuf. — Le Brison ! Mais alors, je suis chez Le Brison ?
Madame Grosbois. — Oui. Et vous survenez au moment précis où je me disais…
Rudebeuf. — Mais alors, votre nièce couche ici ?
Madame Grosbois. — Mais naturellement.
Rudebeuf. — Tiens ! Ça m’embête, ça !… Alors, ils sont ensemble ?
Madame Grosbois. — Qui ?
Rudebeuf. — Le Brison et votre nièce ?
Madame Grosbois. — En voilà une idée ! Vous êtes fou ! Pourquoi ?
Rudebeuf. — Dame !… puisqu’elle couche ici.
Madame Grosbois. — Etienne court pour Le Brison ! Nous logeons chez lui, c’est tout naturel ; un conducteur n’est pas un domestique.
Rudebeuf. — A qui le dites-vous ?… Le mien est un prince hongrois qui a eu un roi dans sa famille ! Comme il court à l’œil, il en profite pour me taper.
Madame Grosbois. — Vous regrettez Etienne ?
Rudebeuf. — Ah ! non ! Votre neveu est trop mal embouché ! Si Le Brison l’a pris, c’est parce qu’il a cru que j’y tenais. Mais moi, je ne le faisais courir que parce que je courais après la petite. Et elle va bien, la petite ?
Madame Grosbois. — Elle est très en beauté, la chère enfant.
Rudebeuf. — La petite rosse !… Elle s’est bien payé ma tête !
Madame Grosbois. — Ah ! l’autre jour, n’est-ce pas ! Ah ! je me suis fait une bile ! Et je m’en fais encore, allez ! Que demain Etienne perde le circuit…
Rudebeuf. — J’y compte bien.
Madame Grosbois. — Nous pas !… Eh bien ! ce sera de nouveau la purée. Et s’il lui fait un enfant. Ça peut arriver, monsieur ; ce garçon-là n’a aucune éducation. Alors, quoi !… où allons-nous ?… Et dire que si elle m’avait écoutée…
Rudebeuf. — C’est une petite bécasse. Elle est toujours éprise de son malotru de mari ?
Madame Grosbois. — Ça n’a pas d’importance. Vous arrivez au bon moment.
Rudebeuf. — Ah ! non ! vous me l’avez déjà faite, celle-là.
Madame Grosbois. — Cette fois, je ne me trompe pas. Phèdre a un béguin pour Etienne.
Rudebeuf. — Non ?
Madame Grosbois. — Elle en est folle !
Rudebeuf. — Bravo ! Seulement, voilà !… ils ne seront pas assez naïfs pour se faire pincer !
Madame Grosbois. — Pardon, mon ami ! j’aime ma nièce, et je suis là !
====Scène