Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 5, 1948.djvu/211

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Il presse sur la corne de l’autre licorne, la transparence disparaît. Après quoi, les volets se rouvrent et le jour revient.

Madame Grosbois et Gabrielle. — Oh !

Gabrielle. — Non ! non ! ne fermez pas ! Je veux les voir, je ne veux pas les laisser comme ça !

Chatel-Tarraut. — Non ! ça suffit.

Gabrielle. — Ah ! les misérables ! les misérables !

Madame Grosbois. — Hein ! ta tante ! hein ! ta tante ! Est-ce qu’elle y voyait clair quand elle te disait Rudebeuf, pas Etienne !

Gabrielle. — Oh ! mais il me le paiera ! il me le paiera !

Chatel-Tarraut. — Allons, calmez-vous ! vous vous exagérez peut-être les choses. Ainsi moi, quand le sous-préfet…

Gabrielle. — Ah ! vous ! fichez-nous la paix !

Chatel-Tarraut, interloqué. — Hein !… Comment ?

Scène XVIII

Les mêmes, Le Brison

Le Brison, une caisse à robe et un carton à chapeau à la main. — Voilà ! je n’ai pas été long ; je rapporte les colis.

Gabrielle. — Oui ! Ah, bien ! vous êtes gentil dans ce rôle.

Le Brison. — Quoi ?

Chatel-Tarraut. — Mon ami, ne l’écoutez pas…

Gabrielle. — Vous allez cherchez des robes pour Phèdre, vous !

Le Brison. — Oui, eh bien ?

Gabrielle. — Eh bien ! pendant ce temps-là, elle se fait déshabiller par mon mari.

Le Brison. — Qu’est-ce que vous dites ?

Gabrielle. — Oui, là, tenez, dans la chambre ardente.

Madame Grosbois. — Comme sous Louis XV.

Le Brison, furieux. — Ah ! mille millions de tonnerres !

D’un geste brusque, il accroche sa casquette à la licorne, ce qui met immédiatement en mouvement tout le mécanisme.

Chatel-Tarraut. — Ah ! nom d’un chien !

Le Brison. — Hein ! qu’est-ce qu’il y a ?

Chatel-Tarraut. — Ne regardez pas ! Fiez-vous à mon expérience, ne regardez pas !

La fresque redevient transparente. On revoit comme précédemment, le couple enlacé.

Le Brison. — Oh !

Gabrielle. — Eh ! bien, hein ! les voyez-vous ? Les voyez-vous ?

Le Brison. — Ah ! misérables ! Courtisane ! Traîtresse !

Gabrielle. — Ah ! canaille ! débauché ! As-tu fini ?

Chatel-Tarraut. — Allons, ça ne va pas recommencer ? en voilà assez ! en voilà assez !

Il appuie sur l’autre licorne ; manœuvre en sens inverse.

Le Brison. — Oh ! jamais, jamais elle ne m’a embrassé comme ça !