Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 5, 1948.djvu/210

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Elle a grimpé sur le canapé qui est contre la fresque et se trouve ainsi à la hauteur du tableau, elle frappe à coups de poings sur la glace.

Gabrielle, frappant sur la glace. — Veux-tu finir, Etienne, veux-tu finir !

Chatel-Tarraut. — Si vous croyez qu’ils vous entendent.

Gabrielle, frappant plus fort. — Veux-tu finir !

Madame Grosbois, frappant avec elle. — Voulez-vous finir !

A ce moment, les coups de Gabrielle ont dû être perçus de l’autre côté, car on voit le groupe anxieux prêter l’oreille. Tout ce qui suit de la part de Phèdre et d’Etienne doit être exprimé par les jeux de physionomie et le mouvement des lèvres, car le public ne peut les entendre.

Etienne. — On a frappé par là.

Phèdre. — Où ça ?

Etienne, indiquant la place où est Gabrielle. — Là !

Ils restent immobiles à écouter.

Gabrielle. — Oui, c’est moi, moi ! misérable ! Je te vois, infâme voyou !

Chatel-Tarraut. — Allons, voyons ! oh ! oh ! oh ! mes reins !

Phèdre. — Mais non, il n’y a rien.

Etienne. — Tu crois ?

Gabrielle. — Si !… si !… il y a moi !… je suis là !

Phèdre, l’attirant à elle. — Ah ! mon chéri !

Gabrielle. — Encore ! (Frappant de plus belle.) ah ! non, assez ! assez !

Chatel-Tarraut. — Madame Chapelain, je vous en prie ! Ca n’est pas un spectacle… oh ! mes reins !

Etienne, se redressant. — Tiens ! tiens ! on frappe encore !

Il saute hors du lit.

Phèdre. — Mais où ? où ?

Etienne, qui est arrivé contre le mur, nez à nez avec sa femme qu’il ne voit pas. — Mais là, tiens ! c’est ici.

Phèdre, qui est allée le rejoindre. — Mais tu es fou ! comment veux-tu ?

Ils écoutent.

Gabrielle, frappant. — Oui, c’est moi ! c’est moi ! Je vais t’arracher les yeux !

Madame Grosbois, frappant. — Hein ! ton Etienne ! Tu le vois, ton Etienne ?

Chatel-Tarraut. — Madame Chapelain, je vous en supplie… ah ! mon Dieu, j’avais bien besoin…

Gabrielle, frappant. — Etienne ! Etienne !

Etienne. — Là, tu entends !

Phèdre. — Mais non, regarde ! Il n’y a rien, personne ne peut nous voir… Allons, viens !

Elle l’entraîne vers le lit.

Gabrielle. — Ah ! non, non, je ne veux pas ! Arrêtez-les, arrêtez-les, monsieur Chatel-Tarraut.

Chatel-Tarraut, qui est arrivé à se lever. — Oh ! oh !… ah ! nom d’un chien ! en voilà assez !…

Gabrielle et Madame Grosbois, frappant. — Etienne ! Etienne !

Chatel-Tarraut, qui est allé péniblement jusqu’à l’autre licorne. — Allons ! allons ! assez comme ça ! fini !