Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 5, 1948.djvu/213

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Le Brison. — J’ai l’automobile en bas. Nous allons partir séance tenante

Gabrielle. — C’est ça !

Le Brison. — Tous les deux.

Madame Grosbois. — Tous les trois !

Le Brison. — Si vous voulez

Chatel-Tarraut. — Réfléchissez !… le sage tourne sept fois sa langue…

Le Brison. — Eh bien ! tournez-la, ça vous occupera. (A Gabrielle.) Je vais chercher ma valise. Préparez la vôtre.

Gabrielle. — Elle était déjà prête en vue de demain. Ma tante, veux-tu ?

Madame Grosbois. — Certainement que je veux ! certainement que je… Enfin ! j’ai l’impression d’avoir une fille.

Elle sort de droite.

Le Brison. — Un instant ! Je ne vous demande qu’un instant.

Il sort de gauche.

Gabrielle. — Ah ! la vengeance ! la vengeance ! la vengeance !

Chatel-Tarraut. — Voyons, madame Chapelain, ça n’est pas sérieux !

Gabrielle. — Pas sérieux ! ah ! bien !

Chatel-Tarraut. — Vous n’allez pas sur une première impression…

Gabrielle. — Ah ! vous croyez que j’en ai besoin de plusieurs comme ça ? Ah, ben ! tenez, agrafez-moi !

Chatel-Tarraut. — Moi ?

Gabrielle. — Oui.

Chatel-Tarraut. — Oui… oh ! mes reins… vous, une petite femme sérieuse, adorant son mari…

Gabrielle. — Moi ! ah ! ah ! mon mari, ah ! ah !… Qu’est-ce qu’il fait maintenant, mon mari ?

Chatel-Tarraut. — Rien, rien, ne vous occupez pas de ça !… Le quitter pour aller avec Le Brison, ce Le Brison qui est vieux et laid !…

Gabrielle. — Ah ! évidemment, si on m’avait laissé le choix, j’en aurais pris un autre, mais après tout, je m’en fiche ; ce que je veux, c’est la vengeance, et pour ça, n’importe qui, le dernier des dégoûtants !… vous, si vous aviez voulu.

Chatel-Tarraut. — Eh ! madame, vous saurez qu’il n’y a même pas vingt-cinq ans !…

Gabrielle. — Oui ! mon chapeau.

Chatel-Tarraut. — Hein !… le chapeau ! voilà, voilà !…

Gabrielle. — Canaille de Phèdre ! Ah ! ce que je vais m’en payer des chapeaux !…

Scène XIX

Les mêmes, Le Valet de pied, Rudebeuf, puis Madame Grosbois.

Le Valet. — Monsieur Rudebeuf !

Gabrielle. — Rudebeuf !

Rudebeuf. — J’arrive en avance.

Gabrielle, à elle-même. — Rudebeuf !… mais, au fait, pourquoi pas ?

Rudebeuf. — Ah ! madame Chapelain, quelle charmante…

Gabrielle. — Oui, bonjour. Au moins, il est jeune lui, il est laid aussi, mais il est jeune.

Rudebeuf. — Plaît-