Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 5, 1948.djvu/220

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Scène II

Les mêmes, le Prince.

Le Prince, arrivant en habit, la figure éreintée. Ah !

Rudebeuf. — Sapristi ! le prince !

Le Prince. — Qu’est-ce que vous faites là ?

Rudebeuf. — Hein ?… Euh ! rien… Nous… nous causions…

Madame Grosbois. — Et à cause de la chaleur…

Le Prince. — Ah ! pas ce matin !…

Madame Grosbois. — Non !… non !… Mais hier !… alors, dans les appartements, n’est-ce pas ?

Gabrielle. — C’est imprégné.

Le Prince. — Oui, oui, oui.

Rudebeuf, après un temps, présentant. — Madame Chapelain… Son Altesse, le prince Zohar.

Le Prince. — Madame !…

Rudebeuf. — Madame Grosbois ! la… mère.

Madame Grosbois. — Pardon, la tante !

Le Prince. — J’ai eu l’honneur, déjà.

Madame Grosbois. — La mère !… je n’ai pas l’âge. (Au prince.) Excusez-moi, monseigneur, de vous recevoir dans cette tenue, je n’attendais pas de visite. Excusez-nous.

Le Prince. — Je comprends ça…, à pareille heure, mais, moi-même, madame, j’habite en face, je rentrais chez moi pour m’étendre un peu.

Elles sortent.

Rudebeuf. — Comment ! Vous rentrez ?

Le Prince. — Oui. Figurez-vous, j’ai passé ma nuit à jouer au poker. Je suis flappi !

Rudebeuf, bondissant. — Qu’est-ce que vous dites ?

Le Prince. — J’ai eu une déveine !…

Rudebeuf. — Mais alors, vous ne vous êtes pas couché ?

Le Prince. — Si ce n’était que ça ! Mais j’ai perdu tout le temps.

Rudebeuf, criant. — Eh ! je m’en fiche que vous ayez perdu. Il ne s’est pas couché ! Vous ne vous êtes pas couché, et vous courez dans une heure.

Le Prince. — Ne m’en parlez pas. Si on pouvait remettre ça à demain…

Rudebeuf. — Mais il est fou ! Il est complètement fou !

Le Prince. — J’ai eu une déveine !… Figurez-vous un coup ! J’avais un carré de rois en main…

Rudebeuf. — Ah ! Foutez-moi la paix avec votre carré de rois !… Non ! non ! on n’a pas idée de ça ! Qui ? Qui avez-vous vu jouer toute la nuit au poker, la veille d’une course ?

Le Prince. — Mais ceux qui ont joué avec moi ! Charlet, Durandy…

Rudebeuf. — Mais ce sont des propriétaires, eux ! Ils ne courent pas eux ! Vous courez, vous, nom d’un chien ! vous représentez ma marque !

Le Prince. — Ah ! je suis flappi. Je suis capable de roupiller dans ma voiture !