Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 5, 1948.djvu/225

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abandonner son mari. Mais non, elle est partie sans un regret, sans un regard en arrière, avec cette moule de Rudebeuf, sous l’œil complaisant de sa rosse de tante ! Voilà ce qu’elle a fait ! C’est dégoûtant ! C’est dégoûtant !

Le Brison. — Eh bien ! qu’est-ce que je dirais, moi ?

Etienne. — Eh ! vous, vous, ça nous est égal, mais moi, moi !

Phèdre. — Eh bien ! et moi, et moi ? Est-ce que je ne t’ai pas sacrifié ma situation ? Car enfin, j’étais avec Le Brison.

Le Brison. — Oui.

Phèdre. — Une liaison de tout repos !

Le Brison. — Ah ! mais, dites donc !

Etienne. — Oh ! comme je voudrais qu’elle soit là pour constater que madame est avec moi !

Phèdre. — Puisqu’elle t’est indifférente, tu n’as pas besoin de te donner tant de mal !

Etienne. — Non, mais je veux qu’elle sache. Et je voudrais… je voudrais aussi avoir la veine de gagner le circuit !

Le Brison. — Ca, bravo !

Etienne. — Pour qu’elle ait des regrets, beaucoup de regrets ! Vous n’avez pas idée comme je voudrais qu’elle ait beaucoup de regrets.

Phèdre. — Ah ! tu es cruel quand tu n’aimes plus les gens, toi !

Etienne. — Je suis comme ça.

Le Brison. — Il est comme ça.

Etienne, à Le Brison. — Et penser que tout ça, tout ça, c’est votre faute !

Le Brison. — A moi ?

Etienne. — Mais oui ! Si vous n’étiez pas venu me chercher dans mon garage ; je ne pensais pas à vous, moi, là-bas ! Si vous ne m’aviez pas emmené dans ce château maudit !

Le Brison. — Ah bien ! celle-là, par exemple !

Phèdre. — Absolument ! Il a raison. Avec cette chambre secrète dont on ne pouvait soupçonner l’indiscrétion.

Etienne. — Sans elle, on n’aurait rien su, personne n’aurait rien vu.

Phèdre. — Et rien de tout ça ne serait arrivé.

Le Brison. — C’est trop fort, ça ! C’est ma faute alors, si vous m’avez trompé, si vous êtes allés roucouler dans cette chambre ardente ?

Phèdre. — Mais absolument ! Car si vous m’aviez rendu le collage plus agréable, si vous aviez pu avoir un peu plus de séduction !…

Le Brison. — Oh !

Etienne. — Et puis, si vous n’étiez pas allés tous presser la corne du bouc pour savoir ce que nous faisions.

Le Brison. — Oh ! c’est renversant ! Mais vous, si vous n’étiez pas allés vous fourrer dans la chambre ardente.

Phèdre. — Oh ! laissez-nous donc tranquilles !

Etienne et Phèdre remontent, chacun de son côté.

Le Brison, ahuri. — Non, mais vous verrez que ça finira par être moi qui me suis fait cocu.

Phèdre. — Quoi ? Qu’est-ce que cela veut dire ?

Etienne. — Ah ! non ! Ce qu’il faut entendre !

Le Brison. — Oh ! C’est trop fort ! c’est renversant !

Phèdre. — Vous vous répétez, mon ami.