Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 5, 1948.djvu/233

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Le Brison. — Eh bien ! elle est raide, celle-là !

Phèdre. — Ah ! taisez-vous donc ! Comme si vous n’auriez pas dû déjà donner votre carte à M. Rudebeuf.

Le Brison. — Elle est forte !

Madame Grosbois, à Gabrielle, toutes deux sur l’échelle. — Mais dédaigne, voyons ! dédaigne ! Plane !… Sois au-dessus de çà !

La Foule. — La Brasier ! La Brasier !

Arrive Chatel-Tarraut, traînant une bouteille vide au bout de sa laisse et suivi par des gamins qui le montrent du doigt.

Chatel-Tarraut. — Ils me rendront fou avec ce circuit, à m’empêcher de rentrer chez moi.

Un Gamin. — A la fraîche ! A la fraîche ! Qui veut boire.

Chatel-Tarraut. — Merci ! Jamais entre mes repas.

Les gamins rient.

Le Titi. — Ah ! le type avec sa bouteille, pigez-moi ça !

Tous. — Ah ! la bouteille ! la bouteille !

Chatel-Tarraut. — On n’a pas idée de faire des circuits en rond !

Madame Grosbois. — Amaury ! Amaury ! ta bouteille !

Chatel-Tarraut. — Comment ?

Madame Grosbois. — Pourquoi te promènes-tu avec une bouteille ?

Chatel-Tarraut. — Une bouteille !… Mais je n’ai pas de bouteille !

Madame Grosbois. — Mais au bout de ta laisse.

Chatel-Tarraut. — Au bout de ma… (Poussant un cri.) Ah ! mon Dieu ! Tchaï-Nou ! J’ai perdu Tchaï-Nou !

Madame Grosbois. — T’as perdu Tchaï-Nou ?

Rudebeuf. — Aussi, est-ce qu’on se promène avec des chiens dans un circuit ?

Chatel-Tarraut. — Mon Dieu ! Pourvu qu’il ne lui soit rien arrivé ! (A Rudebeuf.) Ecoutez, vous avez là un téléphone ! Vous ne pourriez pas téléphoner ?

Rudebeuf. — Téléphoner quoi ?

Chatel-Tarraut. — Pour savoir si on n’a pas retrouvé mon chien, un chien rose, un chien chinois, Tchaï-Nou.

Sonnerie au téléphone.

Rudebeuf. — Attendez !

Chatel-Tarraut. — Ah ! merci.

Rudebeuf, au téléphone. — Oui ! Eh bien ?

Chatel-Tarraut. — Expliquez bien : un chien rose, un chien chinois.

Rudebeuf. — Il a passé au Calvaire ?

Chatel-Tarraut. — Ca ne m’étonne pas ! C’est sur le chemin.

Le Brison, accourant. — Qui a passé au Calvaire ? Le 8 ou le 4 ?

Chatel-Tarraut. — Mon chien ! Un chien rose, un chien chinois.

Rudebeuf. — Mais taisez-vous donc !

Chatel-Tarraut, à Le Brison. — Mais taisez-vous donc !

Rudebeuf. — Eh ! quoi ? je n’entends pas.

Le Brison. — Mais qui des deux a passé au Calvaire, qui ?

Chatel-Tarraut. — Mon chien ! un chien rose, un chien chinois.

Rudebeuf. — Mais foutez-nous donc la paix avec votre chien chinois, on n’entend rien. Quoi ? Ce n’est pas possible ! C’est le 4. Eh bien ! et ma voiture, la Rudebeuf ? Elle passe seulement maintenant. Charmant !

Chatel-Tarraut. — Mais alors, mon chien, ils ne vous ont pas dit ?…

Rudebeuf. — Ah ! Zut, avec votre chien !