Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 5, 1948.djvu/234

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Le Brison. — Vous n’avez pas fini de nous raser avec votre chien ?

Chatel-Tarraut. — Ils n’ont pas autre chose en tête que leurs automobiles. (Téléphonant.) Pardon, monsieur, on ne vous a pas signalé… quoi ?… Le 14 a passé le petit pont !… oui, ça n’a pas d’importance… Vous n’auriez pas aperçu un chien rose, un chien chinois ?

La Foule. — Oh ! un chien ! un chien dans le circuit !

Chatel-Tarraut, raccrochant vivement le récepteur. — Qu’est-ce qu’ils disent ? un chien dans le circuit !

Madame Grosbois. — Mais c’est ta chienne, Amaury !

Chatel-Tarraut. — Tchaï-Nou ! Mais elle va se faire écraser !

Rudebeuf. — Mais appelez-le donc ! il va causer un accident !

Chatel-Tarraut. — Tchaï-Nou ! Tchaï-Nou ! (Au commissaire.) Au nom du ciel ! Suspendez le circuit ! Agitez vos drapeaux ! (Appelant.) Tchaï-Nou !

La Foule. — Tchaï-Nou ! Tchaï-Nou !

Chatel-Tarraut. — Vierge Marie ! Ca devait arriver ! c’est maintenant qu’elle fait pipi.

Grondement d’une voiture qui apparaît.

La Foule. — Une voiture ! Une voiture !

Rudebeuf. — Tonnerre de tonnerre ! C’est ma voiture !

Tous. — La Rudebeuf ! Le prince Turc !

Chatel-Tarraut. — Une voiture ! Une voiture ! Arrêtez ! (Il se précipite sur les fanions du commissaire spécial et les agite avec frénésie.) Arrêtez !

Le Commissaire. — Monsieur ! Monsieur ! Vous êtes fou !

Bruit formidable de voiture brisée, sensation prolongée dans la foule.

La Foule. — Ah !

Premier Gigolo. — Ca devait arriver !

Rudebeuf. — Nom de Dieu de nom de Dieu !

Chatel-Tarraut. — Ma chienne ! Ils vont écraser ma chienne !

Le Brison. — Faites arrêter les autres voitures ! des hommes ! des hommes !

Le Commissaire. — Hissez la voiture ! Posez-la contre la route.

Chatel-Tarraut. — Tchaï-Nou ! Tchaï-Nou est morte ! qu’on ne la laisse pas sur la route ! Faites-la hisser aussi ! des hommes ! des hommes !

Le Brison. — C’est honteux, monsieur, de que vous avez fait là. Vous pouviez être la cause de la mort d’un homme !

La Foule. — C’est honteux !

Chatel-Tarraut. — Ma chienne n’est plus, monsieur ! Ils ont tué ma chienne !

Le Brison. — Grand bien lui fasse !

La Foule. — C’est honteux !

Chatel-Tarraut. — Oh ! Cochonne d’automobile ! cochonne d’automobile !

Rudebeuf, au prince qui apparaît, les vêtements en lambeaux, et tenant à la main son volant brisé en deux morceaux. — Vous n’avez rien ?

Le Prince. — Rien ! mais votre voiture ! Voilà tout ce qui reste de votre voiture !

Rudebeuf. — Nom de Dieu !

Le Prince. — Au moins, on ne pourra pas dire que j’ai lâché ma direction.