Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 6, 1948.djvu/238

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Serge. — Comment sept ! tu as du monde à déjeuner ?

Paulette. — Bien, oui ! D’abord, ton ami Snobinet, que tu as invité toi-même, et puis Miette Gigot et Marguerite de Faust, deux amies à moi qui viennent avec leur gigolo.

Serge. — Aha ! Comment s’appellent-ils, leurs gigolos ?

Paulette. — Firmin Godasse.

Serge. — Ah ! et l’autre ?

Paulette. — Il n’y en a pas ! Elles ont le même.

Serge. — Allons donc ! et ça marche comme ça ?

Paulette. — Oh ! elles s’entendent si bien !

Mittwoch. — Oh ! que c’est moderne !

Serge. — Ah ! compliments.

Paulette. — Alors, nous deux, ça fait six, Mittwoch et le prince, ça fait huit.

Mittwoch. — Vous verrez, monsieur le comte, c’est un homme charmant, Son Altesse. Paulette le connaît un peu, elle peut le dire.

Paulette. — Tout ce qu’il y a de plus homme du monde.

Mittwoch. — D’ailleurs, vous aurez l’occasion de le connaître davantage, car j’espère bien, monsieur le Comte, que maintenant qu’on est en relations…

Serge, avec une moue. — En relations…

Mittwoch. — Oui, je dis bien… "en relations ! " vous me ferez l’honneur de faire partie de mon cercle.

Serge. — Désolé ! écoutez ! d’ailleurs, aujourd’hui, ça n’aurait plus d’intérêt pour vous.

Mittwoch. — Pourquoi donc ça ?

Serge. — Parce que… parce que je ne joue plus.

Mittwoch. — Ça, vous avez raison ! mais pourquoi donc ça vous ne jouez plus ?

Serge. — Parce que…

Paulette. — Oh ! tu peux lui dire, va ! parce que le pauvre garçon est à la Côte.

Mittwoch. — Vous ? Allez ! Mein Gott ! quel sproum !

Paulette. — Mais absolument.

Serge. — Mais laisse donc ! ça n’intéresse pas monsieur Mittwoch.

Mittwoch. — Mais si, mais si, ça m’intéresse beaucoup, au contraire.

Paulette. — Pourquoi veux-tu que ça ne l’intéresse pas ? Ça m’intéresse bien, moi.

Mittwoch. — Mais dame ! A la côte, vous ! C’est pas possible.

Serge. — C’est pourtant la vérité.

Paulette. — Il lui restait quarante mille francs, il a voulu tenter la fortune à Monte-Carlo, et ffutt !… Ah ! c’est dur !

Mittwoch. — Ah ! là ! là !… Et aussi qu’est-ce que vous aviez besoin d’aller à Monte-Carlo ! Mais voilà, on se laisse éblouir par des grands mots : "Monte-Carlo ! Monte-Carlo ! " Vous auriez seulement risqué ça à mon cercle qui est aussi bien, qui sait, peut-être que vous auriez gagné et en tout cas, c’est la France qui en aurait profité ! Je suis patriote. Mais non, c’est Monte-Carlo ! Toujours Monte-Carlo !

Serge, avec un soupir. — Ben ! oui, qu’est-ce que vous voulez.

Mittwoch. — Enfin, voyons ! puisque ce n’est pas chez moi que vous avez joué, je suis bien à l’aise pour vous le dire ! Est-ce que vous n’auriez pas mieux fait de le garder votre argent ? Vous êtes bien avancé !

Serge. — Ah ! ça.