Mittwoch. — Vous êtes bien avancé ! Mais, regardez-moi, est-ce que je joue ! Ah, le jeu ! le jeu, mon ami…
Serge, un peu vexé. — Oh ! "mon ami".
Paulette. — Il est très gentil.
Mittwoch. — Si, si, vous êtes mon ami ! Je vous aime beaucoup, bien que vous ayez perdu. Le jeu, mon ami, mais ça n’est bon que de mon côté, côté du râteau.
Serge. — Je ne puis pourtant pas me mettre croupier.
Mittwoch. — Mais est-ce que je suis croupier ? Non, mais je suis la cagnotte et ça c’est bon, ça c’est qu’est-ce qui est sérieux.
Paulette. — Il a raison
Serge. — Oui, oh !
Mittwoch. — Oui, oh ! je sais qu’est-ce qu’on dit : que c’est du sale archent ! C’est très joli ! N’empêche que j’aime encore mieux du sale argent qu’on a que du propre argent qu’on n’a plus.
Paulette. — Tu vois comme c’est sensé !
Mittwoch. — Quand je donne de l’argent, est-ce que vous croyez qu’on regarde si c’est du propre argent ou du sale argent ? Non ! On dit : "C’est de l’argent ! " et voilà ! Voilà ce qu’on dit quand je donne de l’argent ; d’ailleurs, je n’en donne jamais parce que c’est bon pour les goyes…
Paulette et Serge. — Les quoi ?
Mittwoch. — Les catholiques.
Mittwoch. -… ou alors, si je donne, c’est parce que je sais pourquoi.
Serge, souriant. — Je m’en rapporte à vous, monsieur Mittwoch.
Mittwoch. — Mais naturellement, quoi ! On a assez de peine à le gagner. Vous connaîtrez ça, allez ! C’est beaucoup plus difficile que de le perdre.
Paulette, avec un soupir. — Comme c’est vrai !
Mittwoch. — Là, vous entendez qu’est-ce que dit Paulette ?
Paulette. — Quand on pense qu’il y a des gens qui sortent de rien et qui arrivent à édifier des fortunes considérables.
Serge. — Oui, comme ce nommé Poivrot, tu as lu dans le journal, un français qui est allé faire fortune en Amérique et qui laisse cent millions à un imbécile de neveu sans sou ni maille et qu’il ne connaît même pas.
Paulette. — Si c’est possible !
Serge. — Ah ! il n’y a pas de danger que ça m’arrive, ces choses-là !
Mittwoch. — Mais ça n’arrive qu’en Amérique ! En France, c’est des "itopies".
Serge et Paulette. — Des "itopies" !…
Mittwoch. — Il faut pas compter là-dessus. Alors quoi ?… Qu’est ce que vous allez faire, pardonnez-moi si je me mêle, vous ne pouvez pas rester avec Paulette.
Serge. — Mais non, naturellement.
Mittwoch. — A la bonne heure.
Paulette. — Mais enfin, pourquoi ? Je l’aime, moi… depuis tantôt.
Serge. — Je suis très touché, ma pauvre Paulette, mais…
Mittwoch. — Il a raison ! l’amour, c’est très joli, mais ça ne nourrit pas son homme, surtout quand c’est une femme. Il cède la place, c’est très bien, crand, c’est nôple.
Paulette. — Ah ! oui, mais il m’a promis que, de temps à autre… tout de même, on…
Mittwoch. — Ah ! oui, oui, ça alors, ça entre dans la catégorie des béguins… C’est affaire à côté, c’est en marche.
Paulette. — Comment "en marche" ?