Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 7, 1948.djvu/268

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Noémie, sortant du cabinet de toilette avec une mie sur le bras. — Est-ce que Madame a décidé quelque chose ?

Emilienne. — Ah ! non, au fait ! (A son mari.) Qu’est-ce qu’on fait ? Est-ce qu’on sort ? Est-ce qu’on se couche ?

Trévelin. — Ben… comme tu voudras.

Emilienne. — Non. Comme tu voudras, toi !

Trévelin. — Tu as bien envie de sortir ? On a été dehors tous ces soirs-ci. On devrait bien se reposer.

Emilienne. — Je te dis comme tu voudras ! Si on sort, je suis ton homme ; si on se couche… je suis ta femme !

Trévelin, pudique. — Allons, Emilienne !

Emilienne. — Quoi ? C’est pour Noémie ! Elle ne comprend pas ! elle n’est pas mariée ! n’est-ce pas, Noémie ?

Noémie, souriant. — Non, madame.

Trévelin. — Ecoute ! je crois qu’il est plus raisonnable de rester ! Tu dois être fatiguée.

Emilienne. — Non !

Trévelin. — Si, si ! tu ne t’en rends pas compte parce que tu es debout ! C’est la journée qui continue, mais quand tu seras dans le lit… Je t’assure, une fois n’est pas coutume, et un bon tour de cadran, là, sur l’oreiller, ça vous requinque un homme… surtout quand il est une femme.

Emilienne. — Mais pas besoin d’explications. Ça me va. Alors, Noémie, vous pouvez monter.

Noémie. — J’ai encore de l’ouvrage à faire dans la lingerie.

Emilienne. — Eh bien ! allez faire votre ouvrage dans votre lingerie. Les hommes sont déjà montés ?

Trévelin. — Quels hommes ?

Emilienne. — Eh bien ! les domestiques. Qu’est-ce que tu supposes ?

Trévelin. — C’est juste.

Noémie. — Je crois que oui, madame, à moins qu’ils ne soient sortis ; en tous cas, ils ne sont plus à l’office.

Emilienne. — Ça va bien ! Eh ben ! alors… bonsoir Noémie.

Noémie. — Bonsoir, madame, bonsoir, monsieur.

Trévelin. — Bonsoir, Noémie.

Noémie sort.

Emilienne, allant à son mari, et lui passant ses bras autour du cou. — T’es plus fâché ?

Trévelin. — Mais non ! va ! couche-toi !

Emilienne. — Mais toi aussi, couche-toi !

Trévelin. — Eh ben ! oui, tout à l’heure.

Emilienne. — Pourquoi, tout à l’heure ?

Trévelin. — Parce que !… parce que… il n’y a rien qui presse. On n’a pas besoin de faire ça ensemble ! C’est ridicule, le mari et la femme se déshabillant en même temps ! On a l’air de faire une course ; c’est inesthétique.

Emilienne. — Ah ! les premiers temps de notre mariage, ça t’était bien égal d’être inesthétique ! On la faisait la course, et c’est toi qui arrivais premier.

Trévelin. — Tu ne voudrais pas que toute la vie…

Emilienne. — Pourquoi donc pas ?