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Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 7, 1948.djvu/267

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Trévelin, vexé. — Charmant !

Emilienne. — Mais très drôle, d’ailleurs.

Trévelin. — Voilà ce que tu t’attires en badinant avec les employés du téléphone.

Emilienne. — Je ne m’attire rien du tout, puisque c’est très drôle.

Trévelin, vexé. — Ah !… parfait alors !… continue !

Emilienne. — Veux-tu que je te répète ce qu’il m’a dit ?

Trévelin. — Je ne veux pas le savoir.

Emilienne. — T’as tort ! tu aurais ri.

Trévelin. — Je ne crois pas… (Arpentant avec humeur.) Je ne comprends pas que tu ne sois pas froissée qu’un homme que tu ne connais pas… un employé… un subalterne…

Emilienne. — C’est des étudiants !… Il sera peut-être sénateur un jour.

Trévelin. — En attendant, c’est un employé ! te parler comme il l’a fait ! se permettre de te dire… Qu’est-ce qu’il t’a dit en somme ?

Emilienne. — Puisque tu ne veux pas le savoir.

Trévelin. — Ce n’est pas pour savoir, c’est pour juger. : .

Emilienne. — Viens ! Je vais te le dire à l’oreille.

Trévelin. — Non ! Quoi ? il n’y a personne.

Emilienne. — Pour dire certaines choses, j’aime mieux ça à l’oreille. Comme ça, je n’ai pas ton regard qui me gêne.

Trévelin. — Oh !… eh bien ! va !

Emilienne. — Je lui ai dit, n’est-ce pas ?…

Elle se penche à l’oreille de son mari.

Trévelin. — Oui, oui ! ça va bien ! je sais ce que tu lui as dit.

Emilienne. — Oui !… Alors, il m’a répondu. (Elle parle bas à l’oreille de son mari, puis quand elle a fini, l’interrogeant sur l’effet produit.) Hein ?

Trévelin. — Oh ! C’est fin ! Oh ! c’est très fin ! J’écrirai ; ça au ministre des postes !

Emilienne. — Pourquoi ? Ça l’amusera ?

Trévelin. — Mais c’est pas pour l’amuser, c’est pour me plaindre.

Emilienne. — Oh ! comme ça serait chic ! Je ne te dirai plus rien si c’est comme ça.

Trévelin. — Je n’admets pas qu’un téléphoniste te parle de la sorte.

Emilienne. — Que ça fait ! il ne connaît pas ma figure !

Trévelin. — Oui, mais il connaît ton numéro, et, connaissant ton numéro, il sait qui tu es.

Emilienne. — Oh bien !

Trévelin. — Il n’y a pas d’"oh bien ! ".

Emilienne. — Allons, Alcide, ne sois pas de mauvaise humeur.

Trévelin. — Je ne suis pas de mauvaise humeur.

Emilienne. — Alors, embrasse-moi !…

Trévelin. — Je n’ai pas besoin de t’embrasser.

Emilienne. — Embrasse-moi ! ou je dirai que tu es de mauvaise humeur.

Trévelin. — Oh !… tiens, là !

Il l’embrasse vivement.

Emilienne. — Comme c’est tendre !

Trévelin, radouci. — T’es bête.

Il l’embrasse plus tendrement.

Emilienne. — Ah ! il en faut des affaires pour se faire embrasser par toi ! Mazette !

Scène II

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