Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 7, 1948.djvu/273

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Trévelin. — Oh ! que c’est spirituel.

Emilienne. — Allons, viens ! déshabille-toi !

Trévelin. — Eh bien ! oui ! tout à l’heure.

Emilienne. — Quoi, tout à l’heure ? je suis couchée, couche-toi ! T’as pas voulu d’un rush, eh bien ! fais ton walk-over !

Trévelin, le nez collé à la fenêtre, sans conviction. — Bon, oui.

Emilienne. — Quoi "bon, oui", tu ne bouges pas.

Trévelin. — Mais oui, je te dis, donne-moi le temps.

Emilienne. — Mais quand tu resteras là, le nez collé aux carreaux ! Qu’est-ce que tu regardes par la fenêtre ?

Trévelin. — Le temps qu’il fait.

Emilienne. — Il fait beau. Qu’est-ce que ça te fait ?

Trévelin. — Ça me fait que j’étouffe et que j’ai besoin de respirer un peu d’air.

Emilienne. — Eh bien ! ouvre la fenêtre.

Trévelin. — Non, pour que tu attrapes froid.

Emilienne. — Oh ! je ne crains rien ! je suis couverte.

Trévelin. — Et puis, si tu crois que ça suffira. J’ai besoin de marcher, de circuler… Avec cette sotte discussion, tu m’as…

Emilienne. — Ah ! oui, ton sang.

Trévelin. — Eh bien, oui, oui, mon sang ! J’ai bien le droit d’en avoir.

Emilienne. — Oh ! je serais désolée du contraire.

Trévelin. — Alors, n’est-ce pas ? j’ai envie d’aller faire un tour.

Emilienne. — Ah ?

Trévelin. — Oh ! pas un grand ! Un petit tour..

Emilienne. — Tu veux aller faire un tour ?

Trévelin. — Oui.

Emilienne. — Quelle girouette tu fais. (Rejetant les couvertures.) Allons, allons faire un tour.

Trévelin. — Quoi !…

Emilienne. — Oh ! je suis de bonne composition.

Trévelin. — Comment "allons faire un… ! "

Emilienne. — Eh bien ! oui, t’en as envie, je fais ce que tu veux.

Trévelin. — Mais pardon ! je ne te force ras à venir.

Emilienne. — je sais bien que tu ne me forces pas, mais je ne vais pas te laisser.

Trévelin. — Mais du tout, du tout ! En voilà des idées. Tu es couchée, tu ne vas pas te lever.

Emilienne. — Bah ! c’est pas une affaire.

Trévelin. — Affaire ou non, tu vas me faire le plaisir de rester dans ton lit. Qu’est-ce que c’est que ça, donc ? Tu es sortie tous ces jours-ci, ça suffit.

Emilienne. — Oh bien ! ça, toi aussi.

Trévelin. — Oui, mais moi je ne suis pas fatigué.

Emilienne. — Moi non plus.

Trévelin. — Et puis, moi, c’est pour respirer.

Emilienne. — Eh bien ! on respirera ensemble. Ça sera tout profit.

Trévelin, rongeant son frein. — Oh !

Emilienne. — Quoi "Oh ! " je crois que c’est logique.

Trévelin. — Allons, voyons ! je t’assure que tu es ridicule. Je peux bien aller faire un tour.

Emilienne. — Sans moi ?

Trévelin. — Parfaitement, sans toi, j’suis d’âge.