Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 7, 1948.djvu/276

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Emilienne. — Oui, tu m’as déjà dit ça tout à l’heure.

Trévelin. — C’est vrai, quoi ! que je n’aie pas le droit de sortir un quart d’heure, sans avoir à demander la permission, qu’on me refuse, d’ailleurs. C’est admirable.

Emilienne. — Mais puisque je te la donne la permission !

Trévelin. — Quoi ? non, mais dis donc, est-ce que j’en ai besoin de ta permission ? Tu oublies que je suis le maître, et que si je veux sortir, c’est pas toi qui m’en empêcheras.

Emilienne. — Mais la preuve que je ne t’en empêche pas, c’est que je te dis : "Sors ! "

Trévelin. — Oui, eh bien ! moi maintenant ça ne me convient pas, voilà.

Emilienne, poussant un soupir de lassitude. — Pffue !

Trévelin, maugréant. — Ah ! bien, merci, si j’avais le malheur d’accepter ! C’est pour le coup que j’en entendrais.

Emilienne, haussant les épaules. — "Que tu en entendrais ? "

Trévelin. — Ce que tu trouverais de fois le moyen de me le reprocher. Non, non, merci, j’étouffe, je vais peut-être avoir une congestion, mais j’aime encore mieux tout et avoir la paix.

Emilienne. — Oh ! que tu peux être exagéré !

Trévelin. — Non, non ! C’est très bien ! Ça m’apprend la philosophie ! — Il est bon de savoir refréner ses envies… surtout quand on est marié.

Emilienne. — Tu as fini ?

Trévelin. — Oh ! j’ai fini !

Emilienne : — Eh bien, va, maintenant ! ne fais pas la bête ! sors.

Trévelin, mollissant. — Non ! non ! pour que tu m’en veuilles après.

Emilienne. — Je ne t’en voudrai pas.

Trévelin. — Oui. Oh ! Je te connais.

Emilienne. — Je t’assure !

Trévelin. — Non, non, vaut mieux pas.

Emilienne. — Mais si, mais si.

Trévelin. — Eh bien, alors, je veux que ce soit toi qui me le demandes.

Emilienne. — Je te le demande.

Trévelin, d’un air de doute. — Oh !

Emilienne. — Parole !

Trévelin. — Alors dis-moi que ça te fera plaisir.

Emilienne. — Mais oui.

Trévelin. — Pas comme ça ! dis-moi : "Mon p’tit mari, ça me fera plaisir que tu sortes."

Emilienne. — Oh !

Trévelin. — Ou alors, j’sors pas.

Emilienne. — Mon p’tit mari, ça me fera plaisir que tu sortes.

Trévelin. — Vrai ?

Emilienne. — Vrai.

Trévelin. — Allons, puisque tu me le demandes ! puisque ça te fera plaisir, eh bien, soit, là, je sors.

Emilienne ; moqueuse. — Enfin !

Trévelin, avec élan. — Tiens, t’es gentille : je t’embrasse ! (Il l’embrasse.) Eh bien, tu vois, quand tu me parles gentiment, tu fais de moi ce que tu veux.

Emilienne. — Oui, oui, seulement ne rentre pas tard !

Trévelin. — Non, non, à minuit au plus.

Emilienne. — Comment minuit, tu m’as dit un quart d’heure, il est neuf heures et demie.