Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 8, 1948.djvu/116

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Madame Paginet. — Comment ! Nous n’attendons pas monsieur Dardillon ?

Paginet. — Mais non, mais non, il n’a qu’à être là !

Chacun se sert.

Joseph, à part. — Ah, çà, ils n’ont pas vu encore notre verre ! Il va encore arranger les carafes et pousse avec affectation le verre devant madame Paginet. Personne n’y fait attention. Il donne une seconde pichenette dans le verre qui résonne. Paginet. Encore ! Je vous ai dit de faire attention ! Et puis, qu’est-ce que c’est que ce baquet-là ? Qu’est-ce qu’il fait au milieu de la table ? Joseph. — Monsieur, c’est un verre qui… que…Madame Paginet. — Oh ! mais je n’avais pas remarqué !… c’est vous, Joseph….Joseph. — Moi, la cuisinière et la bonne. Paginet. — Oh ! pardon, mon pauvre Joseph, je n’avais pas regardé. Madame Paginet. — Oh ! c’est très gentil (Lisant.) "À Madame Paginet, Chevalier de la Légion d’Honneur ; les domestiques." Ah ! que c’est aimable ! Paginet, regardant le verre. — Voyons !… Ah ! très joli ! C’est un objet d’art.

Il le montre à Plumarel et à Simone.

Simone, à Plumarel. — Charmant, n’est-ce pas ?

Plumarel. — De très bon goût ! de très bon goût !

Joseph, se rengorgeant. — Oh ! monsieur, c’est que nous sommes si heureux à la cuisine.

Madame Paginet. — Je vous remercie beaucoup !

Joseph. — Madame pourra le mettre dans le salon.

Paginet. — Non !… dans le cabinet de toilette, à la bonne place !

Joseph. — Encore ! Mais je le voyais mieux dans le salon.

Dardillon, rentrant, au public. — Ah ! non ! Ca, c’est le comble !

Paginet. — Qu’est-ce que c’était, Dardillon ?

Dardillon. — Pour monsieur Plumarel !

Plumarel. — Moi ?

Dardillon. — Oui, d’une fleuriste, pour les bouquets de fiançailles ! (À part.) Et c’est à moi qu’on vient demander ça !

Plumarel. — J’y passerai après le déjeuner. Je te demande pardon !

Paginet. — Il n’y a pas de quoi ! Encore un œuf, Plumarel ?

Plumarel. — Volontiers !

Paginet. — Justement, il n’en reste qu’un !

Simone. — Eh ! bien, et monsieur Dardillon ?

Paginet. — Ah ! c’est juste ! Alors, mes enfants, pas de passe-droit, vous allez le tirer au sort !

Plumarel. — Non ! du tout ! J’en ai déjà eu un ! Celui-là est pour Dardillon !

Paginet. — Eh bien ! Il vous le cède ! (Joseph entre avec un plat de côtelettes.) Qu’est-ce que c’est que ça ?

Madame Paginet. — Des côtelettes !

Paginet. — Ah ! bien ! Joseph, vous avez mis le vin rouge à côté de moi, donnez-moi le vin blanc.