Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 8, 1948.djvu/119

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Joseph, entrant avec un paquet énorme de lettres et de journaux. — Voici le courrier !

Paginet. — Ah !

Joseph, donnant un paquet énorme de lettres à madame Paginet. — Pour madame !… (Donnant une seule lettre à Paginet.) Pour monsieur !

Livergin. — Eh bien ! ce n’est pas lourd !

Paginet. — Qu’est-ce que tu veux, mon ami, c’est logique. Elle est décorée et je ne le suis pas ! À elle, toutes les lettres, tous les hommages ! Ah ! je ne suis pas jaloux ! Regarde ! Toutes ces félicitations sont pour toi. (Ouvrant les lettres successivement.) La tante Francine, Monsieur et Madame Bellotte, Madame Blanchard avec ses compliments et ceux de Monsieur Blanchard et de Monsieur Barriquet.

Livergin. — Qu’est-ce que c’est que monsieur Barriquet ?

Paginet. — Ne soyons pas plus curieux que le mari !

Livergin. — Ah ! bon.

Madame Paginet. — Ce sont des cartes sans importance. Je regarderai ça quand je serai seule, va ! lis ta lettre, c’est peut-être plus pressé !

Paginet. — Voyons ! (Il ouvre sa lettre.) Tiens ! des vers !… (Lisant.) "Empruntant ses rayons au bel astre vermeil, La lune, était, dit-on, la femme du soleil ;

Tous. — Ah ! charmant !

Paginet. "Mais chez les Paginet, chose bien moins commune La femme est le soleil…"

Tous. — Ah !

Paginet. "Et le mari la lune !"

Dardillon. — Très joli !… il fait bien les vers.

Paginet. — Comment, il fait bien les vers !… En voilà un impertinent !

Madame Paginet. — Et c’est signé ?

Paginet. — Oui ! Attends !… (Lisant.). "Lemice-Térieux."

Plumarel. — Eh ! bien, c’est le mystérieux ! ce farceur anonyme !

Paginet. — Ah bien ! il a de la chance d’être anonyme, celui-là ! La lune !…

Livergin. — Bah !… ne fais pas attention à ça !… Qu’est-ce que tu veux, c’est de la jalousie !… Tu m’empêcheras pas l’homme d’être une nature envieuse !

Paginet. — Alors, tu admets que je supporte…

Livergin. — Mais oui ! Méprise ces petits coups d’épingle !… C’est tout ce qu’ils méritent !… Oh ! les envieux !… J’ai un mépris pour ces gens-là… C’est de la répulsion !…

Joseph, entrant avec le café sur un plateau. — Le café est servi !…

Madame Paginet. — Viens ! aide-moi, Simone !

Simone, à Plumarel. — Du café, Monsieur Plumarel ?

Plumarel. — Je n’en prends jamais !… Et puis, si vous le permettez, je vais être obligé de vous quitter. J’ai des courses à faire,… aller chez la fleuriste…

Paginet. — Allez, mon ami ! ne vous gênez pas !… (À Simone.) Accompagne ton fiancé, Simone, c’est ton droit.

Dardillon, furieux, remontant. — Ah ! c’est trop fort !