Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 8, 1948.djvu/120

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Paginet. — Où allez-vous ?

Dardillon. — Je l’accompagne aussi !…

Ils sortent tous les trois.

Paginet. — Comme vous voudrez !

Madame Paginet, servant Livergin. — Voici votre café, Monsieur Livergin !

Livergin. — Merci, Madame.

Joseph, entrant. — Madame ! il y a là les dames du Comité de votre œuvre qui viennent vous féliciter !

Madame Paginet. — Ah ! qu’elles sont aimables !… (À Paginet.) Tu permets, Loulou ?

Paginet. — Comment donc ! va ! va ! est-ce que ce n’est pas naturel que tu ailles recevoir les compliments de tes collègues ! va ! Jouis de ton triomphe ; ma chérie !

(Il l’embrasse.)

Madame Paginet. — Ah ! Loulou !

Paginet. — Roméo et Juliette !… Livergin.

Madame Paginet. — Oh ! non !… Philémon et Baucis !

Livergin, entre ses dents. — Monsieur et madame Denis !

Madame Paginet. — Allons ! Je vais retrouver ces dames !

Elle entre au salon.

Scène VIII

Livergin, Paginet

Paginet. — C’est ça !… Ah ! Livergin ! voilà une compagne dans la vie ! Madame Paginet !

Livergin. — À qui le dis-tu, mon cher ! C’est égal ! en vérité, je t’admire !

Paginet. — Pourquoi ?

Livergin. — Je ne sais pas… cette bonne humeur !… cet air jovial !… moi, qui m’attendais à te trouver l’air maussade, à avoir à te remonter.

Paginet. — Moi ?… mais je suis très heureux !…

Livergin. — Eh ! bien, tu sais, ça, c’est très bien !… ça te fait honneur, il y en a tant à ta place qui se seraient montrés jaloux,… parce qu’en somme, après un pareil déboire !…

Paginet. — Ah ! le fait est… !

Livergin. — Ah ! mon pauvre ami !… Ce sont, là, des coups !

Paginet. — Hein ! Crois-tu ?

Livergin. — Oh ! je suis révolté !… Je comprends très bien qu’on ne t’ait pas décoré !… mais enfin, il ne fallait pas te mettre l’eau à la bouche !…

Paginet. — Tu es bien bon !

Livergin. — Enfin ! Il vaut mieux prendre les choses par leur bon côté. Si tu n’es pas décoré, ta femme l’est. Eh bien ! veux-tu que je te dise, je ne sais pas si au fond ça ne vaut pas mieux.

Paginet. — En quoi ?

Livergin. — Dame ! Songe donc, quel éclat cela va donner à ton nom ! Etre l’époux d’une femme supérieure !

Cela va te faire une réclame !

Paginet. — Je ne te dis pas… mais, voyons, entre nous, j’aime beaucoup ma femme, mais elle n’est pas si supérieure que ça.

Livergin. — Laisse donc ! On n’est jamais prophète dans son pays ; et