Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 8, 1948.djvu/130

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Paginet. — Ah ! il est là pour le dire !… Comment raconte-t-il ça ?

Plumarel. — Mais comme ça s’est passé ! Enfin, quand sa voiture emballée a passé devant vous, vous vous la rappelez bien, sa voiture emballée ?…

Paginet. — Vous savez, dans ces moments-là… J’ai un souvenir vague !…

Plumarel. — Eh bien ! n’écoutant que votre grandeur d’âme, au mépris de votre vie, vous vous êtes jeté à la tête des chevaux !

Paginet. — Non !

Plumarel. — Ah ! Monsieur Paginet, laissez-moi vous serrer la main !… Ce que vous avez fait là, c’est grand ! Un pareil acte de courage !

Paginet, à part. — Un acte de courage !… Ah, çà !… voyons ! j’ai donc vraiment sauvé le ministre ! Alors, ce n’est pas possible ! J’ai eu une absence !

Plumarel. — Aussi maintenant, je peux bien vous le dire, le petit ruban, c’est chose faite !

Paginet. — C’est vrai !… Je viens de recevoir cette lettre du chef du cabinet lui-même !

Plumarel. — Eh ! bien, vous voyez !

Paginet. — Ah ! mon ami ! mon ami ! (À part.) Il n’y a pas à dire… J’ai eu une absence, parce que je me connais ! à froid, je n’aurais jamais fait ça !

Plumarel. — Voyez-vous, Monsieur Paginet, dans la vie, il est bon d’avoir des titres, mais il est encore meilleur de les appuyer ! Eh bien ! vous avez trouvé la meilleure façon de les appuyer.

Paginet. — Mais oui ! j’ai trouvé la meilleure façon !…

Plumarel. — Puisque vous avez sauvé le ministre.

Paginet. — Mais c’est évident ! j’ai sauvé le ministre !

Scène XXI

Les Mêmes, Livergin, Madame Livergin

Livergin. — Ah ! enfin !… Le voilà !…

Paginet. — Livergin !… Ah ! mon ami !… arrive ici !… Tu ne sais pas ! je suis décoré !…

Ensemble

Livergin. — Toi !…

Madame Livergin. — Vous !…

Paginet. — Oui !… J’ai sauvé le ministre ! mon ami ! j’ai sauvé le ministre !

Livergin. — Qu’est-ce que tu chantes ?… Qu’est-ce que tu chantes ?

Paginet. — Ce que je chante !… Demande à Plumarel ce que je chante !

Livergin, à Plumarel. — Comment ! Il a sauvé le ministre, lui ?

Plumarel. — Absolument !… Et avec un courage !…

Paginet. — Le courage de l’inconscience !… un moment, un éclair a suffi pour faire de moi un héros !… Je n’ai vu qu’une chose, une voiture lancée à fond de train !… des chevaux emballés, et des malheureux qui allaient être infailliblement broyés, mutilés, tués peut-être !… Alors, je n’écoute que mon courage !… Je me jette à la tête des chevaux au mépris de ma vie !…

Livergin. — Toi !