Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 8, 1948.djvu/142

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Arnold. — Non, c’est un petit Anglais.

Le Proviseur. -Ah ! ah ! all right ! all right !

Robin. Yes ! Now, it’s half past five ! it’s the hour which I take every day rny tea, eggs and toast. I am hungry. At what time are we taking tea ?

Le Proviseur, à part, avec admiration. — Comme il parle sa langue ! (Haut.) Yes ! Yes !

Robin, s’impatientant. — What ? Yes ! yes ! it is not an answer. I say : at what time are we taking tea ?

Il accompagne ces derniers mots d’une pantomime expressive, la main plusieurs fois dirigée vers la bouche pour signifier "manger".

Le Proviseur. — Oui, mon ami, tout ce que vous me direz ou rien du tout, je ne comprends pas. Understand ! nicht ! nicht !

Robin, qui ne comprend pas. — What ?

Arnold, haussant les épaules avec une certaine commisération. — Ne lui dites donc pas ça, Monsieur le Proviseur !… Comment voulez-vous qu’il vous prenne au sérieux s’il voit que vous n’en savez pas autant que lui ?…

Le Proviseur, bien sincère. — Puisque je ne sais pas.

Arnold, même jeu. — Mais ça ne fait rien, on fait comme si on savait. On cause, on dit des mots. Alors c’est lui qui ne comprend pas, qui s’aperçoit qu’il ne sait pas et qui se sent en posture inférieure.

Le Proviseur, acquiesçant de la tête en fixant Arnold, puis à part. — Cet homme est plus profond qu’il n’en a l’air.

Arnold. — Moi, je ne sais pas l’anglais, mais je lui parle français… avec accent.

Le Proviseur. — Eh bien ! si vous voulez lui dire de m’accompagner jusqu’à mon bureau.

Arnold. — Parfaitement ! (A Robin.) Eh ! petit… Vous allez avec monsieur.. là !… go !… go !…

Robin, qui ne comprend pas. — What ?

Le Proviseur, devant le résultat. — Eh bien !

Arnold, avec le sourire de l’homme que rien ne démonte, a un geste comme pour dire : "Bon, bon, attendez", puis, renouvelant son expérience, mais en l’appuyant d’une mimique plus expressive. — Vous,… petit… (Il porte la main à cinquante centimètres de terre.) Allez avec cette monsieur, là !… (Il décrit de ses deux mains un arc de cercle parallèle à son ventre pour exprimer un homme ventru.) Go !… go !…

Il se tape le revers de la main gauche avec le plat de la main droite pour exprimer l’action de s’en aller.

Robin, qui a compris - Oh ! yes ! all right !

Il prend la main du proviseur et l’entraîne dans la direction indiquée par Arnold.

Arnold. — Voilà ! ce n’est pas plus malin que ça !… Monsieur n’a plus besoin de moi ?

Le Proviseur, déjà sur l’escalier avec Robin. — Non, merci.

Arnold. — Salut, Monsieur. Au revoir, Monsieur Robin.

Robin, quittant le Proviseur et redescendant l’escalier pour aller serrer la main d’Arnold. — Good bye !

Il lui donne un shake hand.