Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 8, 1948.djvu/176

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Arnold, revenant, à la Duchesse. — Je m’attendais si peu à avoir le plaisir de vous retrouver.

Chauvel. -… Sur mes épaules !… Dis donc, là-haut ! faudrait pas cependant les prendre non plus pour un salon de réception !

On rit.

La Duchesse. — Eh ! bien, descends-moi, Chauvel ! (Chauvel la dépose. La plupart des consommateurs vont se rasseoir aux tables qui restent. Seule, la table 2 reste vide. Une fois à terre :) Et… présente-moi à Monsieur.

Chauvel. — Lui ? Je ne le connais pas, mais ça ne fait rien ! (A Arnold.) Comment que tu t’appelles ?

Arnold. — Arnold.

Chauvel, avec aplomb. — Mon ami, le comte Arnold ! La môme Crevette ! (Arnold et la Môme se font des saluts cérémonieux.) Et maintenant vous êtes unis. (Leur coupant leurs saluts et les poussant l’un contre l’autre, ce qui leur donne un mutuel renfoncement.) Pan ! pan ! allez vous coucher.

La Duchesse, vexée. — Ah ! Chauvel, que tu es vulgaire ! (A Arnold.) Vraiment, Monsieur, vous allez penser…

Arnold. — Mais rien du tout, Madame.

Mathilde, qui est remontée au-dessus, les séparant. — Ah ! et puis, à quoi bon ce chichi, je vais vous mettre à l’aise, moi. Tu vois, Madame. Eh bien ! elle a un béguin pour toi.

Arnold. — Non ! C’est vrai ?

La Duchesse, se défendant mollement. — Allons, voyons, Mathilde !

Mathilde. — Ah ! moi, j’aime les situations nettes. Au moins, maintenant, vous savez sur quel terrain marcher.

Arnold. — C’est vrai, madame, ce qu’à dit Madame ?

La Duchesse, baissant les yeux. — Puisqu’e1le l’a dit.

Arnold. — Ah ?… Alors…

Il l’embrasse dans le cou.

La Duchesse. — Allons, voyons !…

Tous. — Ah !

Arnold, à la Duchesse. — Alors, on va être tout à fait gentille, on va souper avec moi.

La Duchesse. — Je veux bien.

Arnold. — Et après ?… Ah ! ah ! après…

La Duchesse, se dégageant. — Allons ! allons ! ne dis pas de bêtises !

Elle va rejoindre Chauvel.

Arnold, emballé. — Elle est exquise !… (Appelant.) Maître d’hôtel ! (Celui-ci s’avance sans qu’Arnold le remarque, tout à son emballement.) C’est un ange !

Prosper. — Oui, Monsieur !

Arnold. — Hein ? Oui, mais c’est pas pour ça que je vous ai appelé ! Maître d’hôtel ! Du champagne et un souper ! Un !

Prosper. — Bien, Monsieur.

Arnold, rattrapant Prosper. — Et quelque chose de chic, hein ! le tralala ! Vous pouvez y aller, il y a de la galette là-dedans !… Tenez, regardez.

Il tire des billets de banque.

Prosper, discret. — Oh ! mais je n’en doute pas, Monsieur.