Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 8, 1948.djvu/175

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Chauvel. — Ah ! ma. petite môme, va !… Allons, tiens !… Sur mes épaules ! Au pavois !…

Tous. — C’est ça ! C’est ça ! (Deux ou trois consommateurs l’aident à grimper sur les épaules de Chauvel. L’un lui fait un étrier de ses deux mains, les autres lui donnent l’élan nécessaire.) Une ! deux et trois !… Ah !

Chauvel. — Et vous, tas d’empotés ; un ban à la môme !

Tous. — Un ban !… (Tapant des mains.) Pan ! panpan ! panpan !… pan ! panpan ! panpan !… pan ! panpan ! panpan ! hip ! hip ! hip ! hourrah !

Clorinde a pris une main de la duchesse, Mathilde a pris l’autre, et pendant le ban, Chauvel tourne sur lui-même et les deux femmes suivent le mouvement autour comme des chevaux de bois.

La Duchesse, à cheval sur les épaules de Chauvel et après le ban. — Ah ! mes amis, ça me rappelle ma première communion.

Chauvel. — Ca n’a pourtant aucun rapport.

La Duchesse. — Si ! J’ai eu une émotion comme celle-là !

Tous. — Vive la môme !

Pendant que tout le monde crie "Vive la Môme ! ", paraît Arnold venant du bar et suivi de Chandel complètement ivre.

Scène VI

Les Mêmes, Arnold, Chandel

Chandel, gris, suivant Arnold. — Tu comprends, mon vieux : si la terre est carrée…

Arnold. — Ah ! laisse-moi tranquille ! (Stupéfait en apercevant la Môme sur les épaules de Chauvel.) Ah ! la dame des Folies-Bergère !

La Duchesse. — Mon béguin de ce soir ! (Arnold, gêné, esquisse un salut. La Duchesse, très femme du monde, lui rend le salut. Arnold, encouragé, salue plus franchement, ce que voyant, Chauvel répond par des révérences de tout son corps qui donnent un mouvement de tangage à la Duchesse qui, toujours sur les épaules, rend salut pour salut, puis.) Il me semble, Monsieur, que j’ai eu le plaisir de vous voir ce soir.

Arnold, très homme du monde. — En effet, Madame, aux Folies-Bergère, je crois.

La Duchesse, très femme du monde. Aux Folies-Bergère, c’est ça. Parfaitement !

Chandel, qui, pendant les saluts, saluait sans savoir pourquoi, revenant à ses moutons. — Tu comprends : si la terre était carrée, elle tournerait pas…

Arnold, lui donnant une poussée. — Ah ! toi !… fous-moi la paix !…

Chandel. — Et elle tourne !

Arnold. — Eh ! bien, c’est bon. Va m’attendre au bar.

Chandel, se dirigeant vers le bar. — Oh ! oui, elle tourne !

Il a pris le porte-allumettes de la table de Chaflard et le porte à sa bouche, ainsi qu’un verre. Il part avec.

Mathilde, à mi-voix, à la Duchesse. — Mais alors, ma chère, c’est lui ?

Clorinde, très émoustillée, à Mathilde. — C’est lui, ma chère !