Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 8, 1948.djvu/188

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La Duchesse, en retirant son peignoir. Je ne veux pas rester une minute de plus dans cette maison !

Elle remonte vers le fond.

Arnold, se précipitant entre elle et la porte. — Hein ! Mais non ! Mais en voilà une idée !… V’là que ça vous reprend, alors !…

La Duchesse, redescendant. — Oh ! vous allez me faire le plaisir de me laisser partir !

Arnold, redescendant à sa suite. — Mais pourquoi, pourquoi ? Parce que je vous ai dit que je m’appelais Constantin !… Eh bien ! puisque ce nom vous déplaît, je ne m’appelle pas Constantin, là !…

La Duchesse. — Oh ! trop tard ! . : . N’essayez pas de faire de la diplomatie avec moi.. J’en vends !… alors, vous comprenez !…

Arnold. — Quoi ?

La Duchesse. — Vous allez sur-le-champ me rendre ma robe que je puisse m’en aller.

Arnold. — Mais en voilà une idée ! Comment, au moment où je vous avait fait revenir à d’excellentes dispositions !

La Duchesse, très hautaine. — Hein ? Plaît-il ? D’excellentes dispositions ? Vous vous méprenez, je crois !… Vous avez pu supposer, parce que des raisons… que je n’ai pas à vous donner m’ont fait consentir à vous accompagner jusqu’ici !… Mais vous êtes témoin qu’il ne s’est rien passé entre nous ?

Arnold, navré. — Mais c’est ce que je déplore !

La Duchesse, idem. — Il n’a jamais d’ailleurs été dans mes intentions qu’il se passât quelque chose.

Arnold, grivois. — Oho !

La Duchesse, sur un ton qui n’admet pas de réplique. — Non !

Arnold. — Ah bien, ça, par exemple !

La Duchesse, très grande dame. — Enfin, M. Constantin Slovitchine, je compte que j’ai affaire à un galant homme. Il se peut que nous nous rencontrions dans… dans le monde, j’espère que vous aurez le bon goût de ne pas manifester un étonnement qui sera déplacé et que vous aurez le tact de ne pas me reconnaître.

Arnold. — Ah ! bien, en voilà bien une autre !

La Duchesse. — Sur ce, je m’en vais ! Donnez-moi ma robe et mon chapeau.

Elle fait mine d’aller à la cheminée chercher son chapeau.

Arnold, s’interposant entre elle et la cheminée. — Ah ! jamais, alors, jamais !

La Duchesse. — Vous me retiendrez de force ?

Arnold. — Sûr !

La Duchesse, faisant un crochet et gagnant l’autre côté de la cheminée en contournant la table. Ah ! bien, c’est ce que nous verrons !

Arnold, prévoyant l’intention de La Duchesse et s’emparant du chapeau en étendant le bras au-dessus de la table.

La Duchesse, revenant à lui et essayant de reprendre le chapeau. — Voulez-vous me donner ça ?

Arnold, défendant le chapeau. — Jamais de la vie !

La Duchesse. — Voulez-vous me donner ça ?