Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 8, 1948.djvu/193

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

où est La Duchesse après un jeu de scène avec le parapluie qui, grand ouvert, ne veut pas passer.

Le Duc, une fois la sortie d’Arnold. — Faites excuse, je vous conjure, que je me présente à une heure aussi indue, mais les affaires d’État ne souffrent aucun retard.

Stanislas. — Vous êtes tout excusé.

Le Duc. — Je vous rends grâce ! Il paraît que c’est vous qui avez la complaisance de nous tenir lieu de légation, puisque toute la légation a trouvé spirituel de se mettre en capilotade.

Stanislas. — En effet, j’ai mission.

Le Duc. — Est-ce assez ridicule, qu’on aille s’amuser à se casser les reins pour le plaisir,… et cela tous ensemble, même pas à tour de rôle ! Enfin, cela est, que cela soit donc ! Et puisque pour Ambassade, je n’ai qu’une compote, il faut que vous m’en teniez lieu et que vous joigniez vos efforts aux miens pour venir à bout d’une situation qui, si elle se prolongeait, tournerait au scandale. Eh bien ! c’est terrible à dire, je ne sais point où est Sa Majesté.

Stanislas. — Est-ce possible ?

Le Duc. — Foi de gentilhomme !… Elle a filé du collège et je suis arrivé juste à temps pour la voir escalader les toits et depuis… impossible de mettre la main dessus.

Stanislas. — Oh !

Le Duc. — Quel scandale ! Quand les Cours étrangères ont les yeux fixés sur nous. Est-il possible qu’à la réception officielle, ce soir à l’Ambassade, le roi ne paraisse pas… et que je sois obligé de répondre : "Je ne sais pas où je l’ai mis ! " Ce serait une honte nationale et la ruine de ma carrière.

Stanislas. — En effet.

Le Duc, se levant. — Alors, je viens vous prier, si cela ne vous dérange, de passer tout à l’heure vers les 8 heures à l’Ambassade ; nous aviserons, avec les quelques attachés qui sont encore entiers, à ce qu’il y a à faire.

Stanislas, remontant avec son fauteuil qu’il remet en place. — C’est entendu, Excellence !

Le Duc, qui est remonté également. — Sur ce, je ne veux pas vous déranger une fois plus longtemps. (Fausse sortie.) Ah ! seulement, je vous demanderai encore un service. Je suis entré comme vous le supposez, dans l’hôtel de l’Ambassade ainsi que dans un moulin. Quand l’exemple vient d’en haut, les maîtres absents, le personnel avait fait comme les maîtres !… Je vous serai donc bien obligé de me prêter ce soir votre maître d’hôtel, qui a, m’a-t-on dit, l’habitude de servir aux réceptions d’ambassade.

Stanislas. — Entendu.

Le Duc. — Il pourra indiquer ce qu’il y a faire au personnel de location que je suis obligé de prendre. (Caustiquement railleur.) Il est regrettable qu’il n’y ait pas aussi des diplomates de location, pour remplacer les manquants, cela nous rendrait grand service. Malheureusement, on ne fait point ces choses. Allons, adieu. (Voyant Stanislas qui gagne l’antichambre pour lui ouvrir la porte d’entrée.) Ne vous dérangez pas.

Stanislas. — Je vous prie.

Le Duc. — Et à tout à l’heure.

Stanislas. — A tout à l’heure, Excellence. (Le Duc sort, Stanislas referme la porte d’entrée sur lui, entre dans le salon, referme la porte du salon, puis.) Arnold !… (Un temps.) Arnold !

====Scène