Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 8, 1948.djvu/200

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Voix de la Duchesse, sous la baignoire. — On n’entre pas !

Le Duc. — Oh ! pardon. C’est occupé. (A ce moment la baignoire se met en marche et se dirige vers la chambre de Sabine.) Par Dieu le Père, elle marche !

La baignoire entre dans la pièce occupée par Sabine, la baignoire n’a pas plutôt disparu qu’on entend un cri poussé par Sabine qui paraît, l’air d’une folle.

Scène X

Le Duc, Sabine, puis Stanislas, puis Arnold

Sabine, affolée et gagnant vers la gauche à reculons, le bras tendu vers la cheminée. — Ah ! mon Dieu ! la baignoire !… la baignoire qui marche !

Le Duc, la recevant dans ses bras. — Madame ! madame !

Sabine, apercevant un inconnu dans les bras de qui elle est, et poussant un grand cri. — Ah ! (Elle se précipite dans la pièce de gauche et disparaît.) Au secours ! Au secours !

Le Duc. — Mais qu’est-ce que cela signifie ?

Stanislas, accourant. — Qu’y a-t-il ? Qui crie au secours ? (Apercevant le Duc.) Vous ?

Le Duc. — Mais je ne sais ! je reviens pour chercher mon parapluie, je rencontre des femmes affolées, des baignoires automobiles !…

Stanislas, frappé d’une inspiration. — Ah ! — Excellence, vous pouvez être mon sauveur ; et m’éviter une grande catastrophe dans mon ménage.

Le Duc. — Eh ! mon Dieu, quoi donc, je vous prie ?

Stanislas. — Je suis victime d’un chantage odieux. Une ancienne maîtresse à moi dont vous avez peut-être entendu parler, la Môme Crevette, est ici pour faire un scandale !… Elle a appris mon mariage, et alors !… Je vous en prie, voyez-la, parlez-lui, obtenez à prix d’or qu’elle se taise, dites-lui que je la prie de venir demain à quatre heures, dans ma garçonnière, 17, rue de Milan, et emmenez-la !

Le Duc. — Mais parfaitement ! ce sont de ces services qu’on se doit entre hommes. Et où la trouverai-je ?

Stanislas, il indique la pièce de gauche. — Tenez, dans cette pièce, Vous la reconnaîtrez à un déshabillé d’un déshabillé plus que déshabillé. Allez ! emmenez-la, supprimez-la et je vous devrai mon bonheur !… J’attends par là !… (Il indique la salle à manger.) Aussitôt que vous l’aurez fait filer, venez me prévenir.

Le Duc. — Entendu. (Stanislas court dans la salle à manger.) Allons, il ne s’agit que d’être diplomate…

Il ouvre carrément la porte qu’on lui repousse vigoureusement au nez.

Voix de Sabine. — On n’entre pas.

Le Duc. — N’ayez pas peur, je ne vous veux pas de mal. Je suis chargé de vous parler de la part de Monsieur Stanislas Slovitchine.

Sabine, paraissant et passant carrément 2. — Stanislas, de sa part ?… (S’apercevant qu’elle est à moitié déshabillée.) Oh !

Elle croise pudiquement ses mains sur sa poitrine.