Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 8, 1948.djvu/201

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Le Duc. — Ca ne fait rien ! Je ne regarde pas… Tenez, mettez ça.

Il lui passe le manteau de voyage qu’elle avait en arrivant.

Sabine. — Comment, Stanislas ?… Mais où est-il donc ? Pourquoi vous envoie-t-il ? C’est lui que je veux.

Le Duc, avec autorité. — Inutile ! vous ne le verrez pas.

Sabine. — Comment, je ne le verrai pas ?…

Le Duc, d’un ton qui n’admet pas de réplique. — Ecoutez ! je sais tout !… Laissez-moi vous dire que ce que vous voulez faire est une mauvaise action.

Sabine. — Une mauvaise action ?

Le Duc, comme un homme à qui on ne saurait en raconter. — Allons, allons ! Slovitchine m’a tout dit, vous êtes sa maîtresse, môme Crevette !

Sabine, bondissant. — Qu’est-ce que vous dites ?

Le Duc. — Oui, et vous venez donc le relancer, parce que vous savez qu’il est marié.

Sabine, sursautant, — Qu’est ce que j’apprends, mon Dieu.

Le Duc, se radoucissant, — Vous ne le saviez pas ?… Tant mieux !… ceci rachète. Eh ! bien, oui, il est marié… et il vous supplie de ne pas faire de scandale, de partir avec moi, sans bruit, sans esclandre et demain, il vous attendra dans sa garçonnière, 17, rue de Milan.

Sabine, au comble de l’indignation. — Sa garçonnière ! Oh ! le misérable ! le misérable !

Elle remonte.

Le Duc, remontant également. — Mais non, mais non, il vous expliquera. Allons, venez avec moi !… Môme Crevette !

Sabine, elle prend son chapeau sur la table et le piquant nerveusement. — Oh ! oui, je viens. Oh ! oui, je viens, et demain, il me trouvera 17, rue de Milan.

Le Duc, avec conviction, — C’est ça !… Ca lui fera plaisir. Vous êtes une bonne fille, môme Crevette !

Sabine. — Ah ! je lui montrerai que je suis une bonne fille !

Le Duc. — C’est ça ! Passez devant !… Je vous suis.

Sabine, dans l’antichambre. — Oh ! le menteur !… le menteur !…

Elle sort.

Le Duc, revenant de l’antichambre et allant à la salle à manger. — Eh !

Stanislas, anxieux du résultat, passant la tête. — Eh bien ?

Le Duc, triomphant. — Ca y est !… elle part.

Stanislas, — Ah ! merci, vous me sauvez !

Le Duc. — Laissez donc ! A tout à l’heure.

Il sort.

Stanislas. — Enfin, allons tranquilliser ma femme ! (Ouvrant la porte de droite.) Viens, ma chérie.

Il gagne la scène en passant devant le bureau.