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Le Duc, Stanislas, puis au fond quelques Invités, Un Valet De Pied à chacune des portes, extérieurement, puis Bérézin

Le Duc, à Stanislas. — Je suis confus vraiment d’avoir pris cet esclave pour votre frère.

Stanislas. — Oh ! Excellence.

Le Duc. — Je ne sais où la Duchesse est allée chercher, ma parole !… Cet animal, quelle bourrique !…, (Lui indiquant la place où était assis Arnold.) Prenez donc sa place.

Stanislas, sans s’asseoir. — Merci, Excellence.

Le Duc. — Mais qu’est-ce que vous avez ? Vous avez l’air préoccupé. !

Stanislas. — Très !… Figurez-vous, Excellence, je ne sais plus ce qu’est devenue ma femme.

Le Duc. — Est-ce possible ?

Stanislas. — C’est comme je vous le dis. Après votre départ, il m’a été impossible de la retrouver dans l’appartement. Personne ! Rien qu’un mot, sur une table : "Ne m’attendez pas cet après-midi, j’irai ce soir de mon côté à la réception de l’Ambassade." Qu’est-ce que ça peut vouloir dire ?

Le Duc, profond. — Dame ! ça me paraît… qu’elle viendra toute seule.

Stanislas. — Ah ! ça ! évidemment. Ah ! je tremble qu’elle n’ait entendu quelque chose, qu’elle n’ait des soupçons.

Le Duc. — Ah ! que vous mettez tout de suite les choses au pire !

Stanislas, gagnant la droite. — Ah ! sacrée môme Crevette, elle avait bien besoin…

Le Duc. — Ca !

Stanislas, arrivé près du bureau, se retournant. — Mais à propos, Excellence !… Je voulais vous demander… Vous n’êtes donc pas partis ensemble ?

Le Duc. — Pourquoi ça ? Si !… C’est-à-dire : on s’est suivi, quoi ! On s’est retrouvé dans l’escalier. Au fait, ne manquez pas d’être demain à quatre heures, rue de Milan, n’est-ce pas ? Elle y compte.

Stanislas. — Oh ! non, vous pensez.

Le Duc. — A la bonne heure, ça arrangera tout.

Stanislas. — Dieu vous entende.

A ce moment deux valets de pied ouvrent les portes par lesquelles on aperçoit un certain nombre d’invités et viennent ranger les chaises à leurs places primitives.

Le Duc, se retournant à leur entrée. — Eh ! Par Dieu le père ! déjà des invités plein les salons ! Et on ne me prévient pas. (Il remonte pour gagner les salons, quand Bérézin paraît au fond, essoufflé et effaré. Les valets, une fois leurs chaises rangées, sortent du fond en refermant les portes.) Ah ! Bérézin ! (Remarquant la mine effarée de Bérézin.) Eh ! bien, quoi ! qu’est-ce qu’il y a ? Sa Majesté ?

Bérézin. — Elle arrive, Excellence ! mais une chose épouvantable… !

Le Duc, flairant une catastrophe. — Quelle ?

Bérézin. — Sa Majesté n’a pas dessoûlé depuis hier soir.

Le Duc, bondissant. — Qu’est-ce que vous dites ?

Bérézin. — Sa majesté demandait tout le temps du champagne et cet abruti d’inspecteur de police n’osait pas lui refuser, parce que c’était un roi !