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Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 8, 1948.djvu/215

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Le Duc. — Et quand ce sera fini, vous lui entonnerez un verre d’ammoniaque.

Chandel, entraîné par les officiers. — Deux ! Deux !

Bérézin. — Enlevez ! Enlevez !

Sortie de Chandel et des officiers.

Le Duc, furieux, à Bérézin qui s’apprête à sortir à leur suite. — C’est ça que vous me ramenez, vous ! Vous ne connaissez pas le Roi ?

Bérézin. — Je connais Sa Majesté régnante, mais pas le prince héritier.

Le Duc, avec un geste d’honneur. — Ah ! (Bérézin sort ; allant à Stanislas.) Ah ! ben ! nous sommes dans de jolies couvertures. Qu’est-ce que nous allons faire ? Où retrouver le prince, maintenant ?

Stanislas. — Ca !…

Le Duc. — Non, non ! Ce n’est pas une existence si cela doit recommencer tous les jours ! Et étant donné l’âge du prince et les dispositions qu’il montre, il est évident que nous sommes exposés à chaque instant…

Stanislas. — Ah ! Evidemment ! Et… pas moyen de l’empêcher de faire la noce !

Le Duc. — Non, c’est inconstitutionnel. Mais attendez donc ! Il me vient une idée, Slovitchine.

Stanislas. — Oui ?

Le Duc. — Nous ne pouvons pas enrayer la noce du prince, mais nous pouvons peut-être l’endiguer.

Stanislas. — Comment ça ?

Le Duc. — Si nous avions dans notre manche une femme assez séduisante pour captiver le prince et l’empêcher de se dépenser ailleurs ; une femme qui serait bien à nous.

Il cherche.

Stanislas, réfléchissant de son côté. — Bien à vous !…

Le Duc. — Seulement, voilà ! Cette femme, je ne l’ai pas.

Stanislas. — Eh ! mais j’ai ce qu’il vous faut.

Le Duc, avec une lueur d’espoir, — Vous l’avez ?

Stanislas. — La môme Crevette !

Le Duc. — Madame Crevette !… Est-ce possible ? Voulez-vous que je vous dise, j’y pensais !

Stanislas. — Eh ! bien, alors, je m’en charge. Et je vous parie que demain verra la môme Crevette entre les bras de Sa Majesté dans la petite garçonnière que je mets à votre disposition, 17, rue de Milan.

Le Duc. — Ah ! c’est un service national, Slovitchine, que vous nous rendez. Que vous dois-je !

Stanislas, riant. — Mais… rien du tout. C’est gratuit.

Le Duc, riant. — Pardon, je m’exprime mal, je sais. "Que ne vous dois-je pas ? "

Stanislas. — Je vous en prie, trop heureux !

Scène VI

Les Mêmes, puis Bérézin, Les Invités, Les Officiers, Serge, Chopinet, Kirschbaum

A ce moment, même jeu de scène qu’à l’entrée de Chandel. On entend au loin : "Portez armes ! Présentez armes ! " Les portes du fond s’ouvrent toutes