Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 8, 1948.djvu/221

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Le Duc, très fier. — Oui ! jolie femme, n’est-ce pas ?

Stanislas, par complaisance. Très jolie. (A part.) Un peu tapée.

Le Duc. — Et une dame que je ne connais pas.

Stanislas, avec émotion. — C’est ma femme !

Le Duc, même erreur que Stanislas. — Aha ! charmé. (A part.) Elle est mûre. (Haut à Stanislas.) Eh bien ! donc, nous allons leur parler.

Stanislas, pivote pour s’éclipser. — Oh ! alors !

Le Duc. — Mais vous n’êtes pas de trop, Slovitchine.

Stanislas. — Me trouver avec ma femme et la môme… Ah ! non !

Il disparaît à droite.

Le Duc, souriant. — En a-t-il peur, de sa vieille !

La Duchesse, à madame Homelskoff. — Mais faites donc, chère Madame.

Madame Homelskoff fait la révérence et sort au fond. Les deux femmes descendent un peu en scène.

Le Duc, indiquant madame Homelskoff, Et elle ne reste même pas ! (Les portes se referment. Le Duc descendant brusquement entre les deux femmes.) Ah ! c’est vous, Mesdames !

La Duchesse, à part. — Le Duc !

Elles se sont simultanément écartées en éventail.

Le Duc. — Duchesse, je suis au regret d’interrompre votre conversation, mais j’aurais deux mots à dire à la môme Crevette.

Les Deux Femmes. — Hein ?

La Duchesse, très troublée. — A la… à la môme Crevette ?

Sabine, à part. — Elle s’est troublée. C’est elle !

Le Duc. — Eh ! bien, quoi ?

La Duchesse. — Mais je ne sais pas ce que vous voulez dire. Je ne connais pas cette personne, je…

Le Duc, avec un air de malice auquel se méprend la Duchesse. — Oh ! Evidemment ! cette réponse ne me surprend pas, mais je vais bien vous étonner, en vous disant, moi, que vous la connaissez.

La Duchesse. — Mais je vous assure…

Sabine, au Duc. — Inutile d’intriguer plus longtemps Madame. (A la Duchesse.) La môme Crevette, c’est moi !

La Duchesse. — Hein !

Le Duc, à la Duchesse. — Positivement !

Sabine. — Excusez-moi, Madame, d’avoir oublié un instant la distance qui nous sépare.

La Duchesse. — Oui, oui ! (Affolée, à part, en descendant à gauche.) Ah, çà ! qu’est-ce que ça veut dire ? Est-ce que je deviens. folle ?

Le Duc, remarquant l’émoi de la Duchesse. Qu’est-ce que vous avez, Duchesse ?

La Duchesse. — Ce n’est rien !… la… la surprise.

Le Duc. — En effet, oui, oui !… (Changeant brusquement de ton et attaquant la question. Tout ce qui suit doit être joué tantôt vers la Duchesse, tantôt vers Sabine afin que les deux femmes, soient également mêlées à la conversation. A Sabine.) Eh ! bien, donc, môme Crevette, ne vous scandalisez pas de ce que je vais vous dire. Il s’agit de notre jeune Roi ! Nous voudrions l’empêcher de courir à droite, à gauche, ce qui est plein de danger pour une Majesté. Alors,… nous avons pensé à lui trouver… une favorite…