Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 8, 1948.djvu/222

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La Duchesse, à part. — Hein ?

Sabine, très calme. — Ah !

Le Duc. — Mais voilà, pour cette favorite, je voudrais trouver quelqu’un dont je puisse être sûr, une femme, comme je l’expliquais à Slovitchine… (Appuyant sa main sur l’avant-bras de la Duchesse.)… qui fût bien à moi. (Vers Sabine.) Alors, je vous avoue qu’il m’a tout de suite dit : "La môme Crevette."

Sabine, avec ironie. — Vraiment ?

La Duchesse, à part. — Mais il est fou !

Sabine, idem. — Ah ! je crois qu’il ne pouvait pas trouver mieux ! Qu’en pensez-vous, Madame ?

La Duchesse, décontenancée. — Mais… je ne sais… (A part.) Elle se moque de moi.

Le Duc. — Et alors, si vous vouliez, et si cela agréait à Sa Majesté, vous pourriez dès demain avoir une entrevue ! Monsieur Slovitchine veut bien mettre sa garçonnière à notre disposition.

Sabine. — Aha !… (D’une voix sifflante.) Sa garçonnière ?

Le Duc. — Oui, 17, rue de Milan. Vous devez la connaître ?

Sabine. — Non, celle-là pas.

Le Duc, lui prenant amicalement les deux mains. — Allons ! dites-moi que la Môme Crevette ira au rendez-vous ?

Sabine, avec ironie. — Oh ! , La Môme Crevette manquerait à tout son passé en repoussant une distinction pareille. (Regardant narquoisement la Duchesse de côté.) Elle ira !

La Duchesse, entre ses dents et regardant Sabine de même. — Mais ne m’en défie pas, tu sais !

Le Duc, à la Duchesse. — Ah ! je suis bien heureux ! (A Sabine.) Et demain… ?

Sabine, avec une ironie pleine de sous-entendus. — Vous le serez encore plus !

Le Duc remonte, ravi.

La Duchesse, à part. — Ah ! non, il y en a vraiment, quand ils sont cocus, qui ont bien fait tout ce qu’il allait pour ça.

Fin de la valse des Tziganes. A ce moment, la porte de droite s’ouvre avec précaution. C’est Stanislas qui passe la tête ; apercevant les deux femmes il pousse un "Oh ! " et referme brusquement la porte.

Le Duc, qui a vu le jeu de scène. — Eh ! Slovitchine ! Venez donc, cher ami, il n’y a plus de danger ! (Il va ouvrir lui-même la porte que Stanislas retient à lui, ceci une ou deux fois, enfin, tirant plus fort, il entraîne Stanislas accroché au bouton.) Mais venez donc, voyons !

Scène X

Les Mêmes, Stanislas

Stanislas paraît, très penaud.

Stanislas, à part. — Mon Dieu, encore ensemble !

Le Duc, avec une indulgente bonté à Sabine, tout en ramenant Stanislas qui n’ose avancer. — Il a peur de sa femme !