Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 8, 1948.djvu/234

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Tout ceci vivement, presque l’un sur l’autre :

1er Officier. — Excellence ! Excellence ! pensez au scandale.

2e Officier. — Au nom du ciel, Excellence !

3e Officier. — Excellence, réfléchissez !

Le Duc, qui a traversé la scène. — Oh ! la misérable ! la misérable !

Il s’effondre sur le canapé, la tête dans ses mains, les officiers se tiennent respectueusement silencieux. A ce moment on voit la Duchesse relever la tête, on sent qu’une idée subite a éclairé son cerveau ; elle regarde l’armoire, puis, prenant un grand parti, elle s’élance vers elle, ouvre le battant, pousse sur un des rayons et tout le fond tourne sur charnière, entraînant les rayons avec ce qu’ils supportent et livre passage sur le vestibule. La Duchesse traverse l’armoire et aussitôt en referme le fond, les deux battants de devant, bien entendu, demeurent ouverts.

Le Duc, après un long temps de silence dans lequel il a ruminé l’état des choses. — Non, non, qui aurait pu supposer ?…

1er Officier, essayant de le calmer. — Voyons, Excellence ! Un peu de courage. Vous êtes un homme, un soldat !

Le Duc. — Non, laissez-moi ! C’est une trompeuse, je vous dis, c’est une trompeuse !… C’est une adultérine !…

2e Officier, essayant de le convaincre. — Pistoie labouski seporel karejan.

Le Duc, ne voulant rien entendre. — Nadié ! nadié !

3e Officier, enchérissant sur l’autre. — Biblinef kon détat oïvsoff alaneff !

Le Duc. — Nadié ! Nadié !

1er Officier. — Borajin medelskoff tontonné goletzin !

Le. Duc, frappant du poing sur la table de façon à leur imposer silence. — Nadié ! (Puis après un temps.) Une adultérine, je vous dis, une adultérine ! (Se levant.) Allons ! pas de faiblesse ! Je vais chez le commissaire.

Il passe devant la table, puis arrivé à gauche s’apprête à remonter quand paraît Arnold.

Scène V

Les Mêmes, Arnold, puis La Duchesse

Le Duc, voyant entrer Arnold, avec nerfs. — Vous ! quoi ? Qu’est-ce que vous voulez ? Allez-vous-en !

Arnold. — Mais, Excellence, c’est madame la Duchesse qui demande Votre Excellence.

Le Duc. — La Duchesse, quoi ? Quelle Duchesse ?

Arnold. — Mais Madame la Duchesse à Monsieur.

Le Duc. — Comment "ma Duchesse ? " Qu’est-ce que vous dites, idiot ?… (Arnold accueille l’épithète avec le sourire d’un homme qui commence à y être habitué. Le Duc, indiquant la chambre de gauche) Puisqu’elle est là, ma duchesse ! Comment voulez-vous ?…