Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 8, 1948.djvu/236

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Le Duc, allant à elle. — Non, ne cherchez pas ! (il redescend et à lui-même.) Mon Dieu !… la pauvre femme !… dire que j’ai failli l’étrangler… à coups de poignard !… Mon Dieu ! elle doit être dans tous ses états !…

Il est remonté et a tiré le tambour de la porte de gauche, pour écouter s’il entend quelque chose ; ce voyant, la Duchesse, qui est près de la cheminée, presse plusieurs fois la poire pneumatique qui fait entendre comme un long gémissement dans la pièce de gauche.

Le Duc, se méprenant au son qu’il entend. — Comme elle pleure ! mon Dieu, comme elle pleure ! (Sans refermer le tambour, il retourne à la Duchesse qui, aussitôt abandonne la poire et prend l’air le plus naturel du monde.) Allez, Duchesse, tout cela est le résultat d’une confusion qui ne s’explique que trop et que je vous dirai ce soir. Qu’il vous suffise de savoir, que je suis heureux ! Ah ! bien heureux de vous voir là.

La Duchesse, touchée. — Oui, mon ami ?

Le Duc, sur le même ton. — Allez-vous en.

La Duchesse, interloquée. Ah ! Si vous voulez, mon ami.

Le Duc, empressé. — Je vais vous reconduire. (Croyant avoir affaire à une sonnette, il va presser sur la poire. Mêmes gémissements de l’appareil.) Comme elle pleure, mon Dieu, comme elle pleure !… (Changeant de ton et avec impatience.) Mais qu’est-ce qu’il fait donc, ce serf ? Il n’entend pas que je sonne.

Il réappuie sur la poire qui rend un nouveau gémissement.

La Duchesse. — Oh ! d’ailleurs, je n’ai que faire de quelqu’un, je trouverai bien la porte toute seule.

Le Duc. — Eh ! bien, alors, faites donc ! (Très galamment et en lui baisant les mains.) Allez, Duchesse ! Allez ! et à ce soir ! (Les officiers s’inclinent. La Duchesse sort. Le Duc referme la porte, puis descendant vers les officiers.) Hein ! Croyez-vous ? Est-ce possible ?

1er Officier. — C’est à n’y pas croire !

Le Duc. — A n’y pas ! Mon Dieu, j’ai déjà entendu dire que tout homme avait dans le monde son sosie absolument identique, mais je n’aurais jamais cru qu’à ce point !…

L’Officier. — Ca !…

Le Duc. — Et cette coïncidence, — n’est-ce pas curieux, qui les fait juste se rencontrer ici !… Voyez donc ce qui aurait pu en résulter si je n’avais pas été calme ! Ah ! je remercie le ciel de m’avoir évité un malheur !

Scène VI

Les Mêmes, La Duchesse

A ce moment le fond de l’armoire de la chambre s’ouvre à nouveau, la Duchesse revêtue de son peignoir comme au début de l’acte, surgit du meuble. Elle referme le fond d’abord, puis les deux battants de l’armoire et allant tomber, épuisée sur le canapé.