Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 8, 1948.djvu/237

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La Duchesse. — Ouf !

Le Duc. — Pauvre Duchesse !… moi qui déjà l’accusais !… Et l’autre, la malheureuse, que j’ai bousculée !… vraiment, j’ai été d’un sauvage ! et je ne sais comment je vais pouvoir m’excuser. (Croyant que les officiers ont parlé.) Dites-vous ?

Les Officiers, comme si on les tirait d’un rêve, relevant la tête, puis. — Rien, Excellence.

Le Duc. — Ah ! pour ça je n avais pas besoin de vous !… Eh ! mon Dieu, je n’ai qu’une chose à faire, c’est de lui présenter mes excuses.

Il va frapper à la porte de la pièce de gauche.

La Duchesse, à part. — C’est lui ! (Haut, la voix entrecoupée de sanglots.) en-en-trez !

Le Duc, tout en introduisant la clé dans la serrure. — Pauvre femme, comme elle pleure !

Il entre.

La Duchesse, jouant l’effroi. — Ah ! Mon Dieu ! au secours ! au secours !

Elle s’est précipitée à l’extrême gauche.

Le Duc que, son cri a fait sursauter au moment où il fermait la porte, allant à elle. — Ne craignez rien, au nom du ciel, Madame !…Je viens au contraire vous dire combien je suis une fois confus de l’incident de tout à l’heure.

La Duchesse, comme insuffisamment rassurée. — Oui ?

Le Duc. — Foi de gentilhomme !… je vous assure. Il s’est passé une chose tellement extraordinaire !… Figurez-vous, Madame… (Se laissant prendre à son émotion et avec sollicitude.) Mais je vous en prie, asseyez-vous ! vous tremblez !

La Duchesse, se laissant conduire au fauteuil devant la coiffeuse. — Ah ! Excellence, vous m’avez fait bien du mal.

Le Duc. — Eh ! je ne le vois que trop !… Mais aussi pourquoi ressemblez-vous tellement à la Duchesse, ma moitié ?

La Duchesse, jouant l’ignorance. — Ah ! vraiment, je…

Le Duc. — C’est invraisemblable !… même figure, mêmes traits, même taille, même voix… C’est-à-dire que, mettez-vous devant la glace, c’est la Duchesse que vous verrez.

La Duchesse. — A ce point ?

Le Duc. — Et alors vous comprenez, quand je vous ai vue tout à l’heure aussi ressemblante, j’ai cru que c’était la Duchesse, mon sang n’a fait qu’un tour, j’ai bondi !… Et alors… Ah ! vous avez de la chance d’être encore en si bon état.

La Duchesse. — Et voilà comme on accuse sa femme sur une simple présomption !

Le Duc, très contrit. — Oui !… Oh ! je ne suis qu’un daim.

La Duchesse. — C’est vous qui le dites !… Allez, vous n’avez qu’une chose à faire, c’est de lui demander pardon en lui offrant un beau bijou.

Le Duc. — Oh ! oui, et à vous aussi.

La Duchesse, souriant et avec malice. — Ca en fera deux.

Le Duc. — Positivement !… Alors, vous pardonnez ?

La Duchesse. — Je pardonne !… mais, au moins, que ça vous serve de leçon et, à l’avenir, ne croyez donc plus ce que vous voyez.

Le Duc. — Je vous le promets ! (Au public.) Elle est exquise !… (A la