Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 8, 1948.djvu/72

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Hein !… eh ! bien, alors, parlez moins haut ! Ça m’est égal ! Le docteur Paginet ?… parfaitement !… C’est ici !… Qu’est-ce que vous lui voulez ?… (Avec humeur.) Mais oui ! il fonctionne bien !… (Raccrochant le récepteur et descendant en scène.) Il me demande si le téléphone fonctionne bien !… C’est à eux à le savoir !… ce n’est pas à moi !… Quelle sacrée invention !…

Paginet, deux ou trois petites fioles à la main, entrant de droite 1er plan et allant droit à son bureau. — Joseph !

Joseph. — Monsieur ?

Paginet, qui a pris une plume sur son bureau, faisant des inscriptions sur les étiquettes de ses fioles, à Joseph, sans le regarder. — Madame Paginet, ma femme, est-elle rentrée ?

Joseph. — Non, Monsieur.

Paginet, relevant la tête. — Pas encore ? Mais c’est la fille de madame Benoiton !

Joseph. — Ah ! Je ne savais pas.

Paginet. — Voilà trois jours que je ne peux pas arriver à la voir.

Joseph. — Madame avait ce matin son conseil d’administration à l’orphelinat des enfants naturels dont elle est présidente.

Paginet, s’asseyant à son bureau. — C’est vrai ! Ah ! Madame Paginet !… Voilà une femme qui se voue à son œuvre !

Joseph. — Oui mais aussi, monsieur, quelle belle œuvre ! si vous entendiez comme on parle de madame ! Tenez, ce matin dans le Petit Journal, il y avait un article de deux colonnes. Savez-vous comment on appelle madame ?

Paginet. — Non.

Joseph. — Madame Saint-Vincent-de-Paul.

Paginet. — C’est assez juste comme comparaison. Allez dire à ma nièce que j’ai à lui parler.

Joseph. — À Mademoiselle Simone ? Justement la voici. (Il indique Simone qui entre de gauche, puis il sort par le fond.)

Scène II

Paginet, puis Simone

Paginet. — Ah ! te voilà, Simone. Justement, mon enfant, j’ai à te parler sérieusement !

Simone. — À moi ?… Hum !… Ça sent le mariage ça, mon oncle.

Paginet, à part. — Elle a du nez. (Haut.) Eh bien ! quoi !… Il s’agit de mariage. Tu ne dois pas être opposée à ça ?…

Simone. — Est-ce qu’on demande cela à une jeune fille ? Et alors, comme ça, mon oncle, j’ai été sollicitée ?

Paginet. — Parfaitement !… Et je tenais à te consulter avant d’en parler à ta tante.

Simone. — C’est bien gentil !

Paginet. — Tu verras,… ce n’est pas le premier venu.

Simone. — Oh ! je sais bien ! Voulez-vous que je vous fasse son portrait ? Il est blond avec des yeux bleus.

Paginet. — Pas du tout, il est brun avec des yeux noirs.

Simone. — Hein !… Mais il ne s’appelle pas…

Paginet. — Si, il s’appelle Lucien.

Simone. — Ah !

On sonne au téléphone.