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Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 9, 1948.djvu/104

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Coconas, à Follentin. — Allons, monsieur ! Flamberge au vent !

Follentin. — Non, monsieur, non ! Pas de flamberge ! je ne suis pas de ceux qui croisent le fer au coin des rues ! Je me contente de répondre en protestant !

La Hurière et les consommateurs au fond, chuchotant. — C’est un protestant ! C’est un protestant !

Maurevel, s’approchant de Coconas, à mi-voix. — À vous, messire, deux mots. Au nom du duc de Guise, suivez-nous. Ici, on pourrait nous entendre !

Coconas. — Sortons !

Maurevel. — Sortons !

La Hurière. — Sortons ! (Il entraîne Coconas dans la rue.)

Follentin. — Eh ! bien, où va-t-il ? Il nous laisse là !

Pendant tout le dialogue qui suit, les conjurés qui sont dans la rue avec Coconas reprennent en sourdine l’ensemble de la conjuration.

Madame Follentin. — Je t’assure, mon ami, que nous devrions retourner aux XXe siècle.

Follentin. — Ah ! tu es bonne, toi ! (Voyant Grégoire qui rentre de la cuisine avec une bouteille de vin.) Ah ! voici le garçon qui ressemble à Gabriel.

Grégoire. — Vous êtes seuls ?… Je peux enfin vous parler.

Follentin. — Qui êtes-vous ?

Grégoire. — Je suis celui qui vous protège ! Vous ne pouvez pas rester une minute de plus ici.

Madame Follentin. — Pourquoi ?

Grégoire. — Parce qu’il y a des armes qui se fourbissent dans l’ombre ! Parce qu’il y a du feu qui couve ! Parce que tout à l’heure, quand, tintera la cloche de Saint-Germain-l’Auxerrois, il sera trop tard, parce que c’est la nuit de la Saint-Barthélemy.

Follentin. — Nom de Dieu !… Filons !

Grégoire. — Oh ! mais pas comme ça. Pour assurer votre sauvegarde, mettez ces croix à vos chapeaux !

Follentin. — La croix de Lorraine ! Vite ! mes enfants ! mettez votre croix.

Marthe. — Ah ! oui ! la croix de Lorraine.

Follentin. — Ah ! merci, jeune homme, merci. (À sa femme et sa fille qui mettent leurs croix.) Mon chapeau, où est mon chapeau ? (Il le prend et dans son trouble, il met la croix sur le derrière du chapeau et se coiffe.) Maintenant, filons !

Il se précipite vers la porte de la rue qu’il ouvre.

Tous. — On ne passe pas.

Follentin. — Pardon, messieurs, regardez ! J’ai la croix de Lorraine !

Il montre le devant de son chapeau où il suppose la croix.

Tous, tirant leurs épées. — Il ne l’a pas ! Sus aux Huguenots !

Follentin, rentrant affolé dans l’auberge. — Ah ! mon Dieu ! au secours ! Au secours !