Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 9, 1948.djvu/178

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Gabriel. — Quand je vous ai vus quitter Louis XV, je n’ai fait qu’un saut jusqu’à maintenant

Les Trois Follentin. — Brave ami !

Madame Follentin. — Ah ! mon petit Gabriel, je suis bien contente de vous avoir retrouvé !

Marthe. — Vous ne nous quittez plus, n’est-ce pas ?

Gabriel. — Comment donc ! Je suis tout à votre disposition pour vous piloter.

Follentin. — Comme il est précieux, ce garçon-là, comme il est précieux !

Pendant la dernière réplique, deux jeunes gens sont entrés et regardent la devanture du bijoutier.

Premier Jeune Homme. Oh ! Auguste !… regarde-moi cette épingle de cravate !

Deuxième Jeune Homme. — Oh ! hein ! Charles !…

Premier Jeune Homme. — Oh ! et ces boutons de manchettes !

Deuxième Jeune Homme. — Crois-tu que ça nous irait bien, Charles ?

Follentin. — Oh ! là ! là ! Qu’est-ce que c’est que ces deux petits jeunes gens ?

Gabriel. — Ça, c’est des petits jeunes gens comme tous les autres d’aujourd’hui.

Madame Follentin. — Oh ! bien, vrai !

Premier Jeune Homme, au second. — Ah ! Auguste, quand trouverons-nous une bonne amie pour nous offrir de beaux bijoux comme ça !…

Madame Follentin. — Oh ! quel cynisme !

Follentin. — Hein ! mais c’est des…

Gabriel. — Non, mais voilà ce que l’émancipation de la femme a fait de l’homme aujourd’hui !

Follentin. — Comment, ils accepteraient qu’une dame…

Gabriel. — Absolument !… N’est-ce pas, messieurs, que si une de ces dames vous offrait un de ces bijoux, vous accepteriez ?

Les Deux Jeunes Gens, à Madame Follentin. — Oh ! vraiment, madame, vous êtes bien aimable !…

Madame Follentin. — Non ! non ! non ! C’est une question ! C’est une question !

Les Deux Jeunes Gens, désappointés. — Ah !

Gabriel. — J’ai dit une de ces dames, en général !

Follentin. — Vous accepteriez ?

Premier Jeune Homme. — Naturellement ! Qui voulez-vous qui offre des bijoux aux hommes si ce n’est les femmes !

Deuxième Jeune Homme. — Ah ! bien, cela serait du propre !…

Follentin. — Ah ! non, quelles mœurs !… Au XXe siècle, messieurs, un homme se serait cru déshonoré si…

Premier Jeune Homme. — Ah ! parbleu ! au XXe siècle !… Vous en avez de bonnes !…

Gabriel. — Ah ! au XXe siècle !…


I

Vous nous parlez là d’une époque
Qu’avec regret chaque homme évoque.

Premier Jeune Homme.

Il est bien temps