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Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 9, 1948.djvu/184

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La Gardienne. — Je vous dis de circuler ! Un homme non accompagné ne doit pas se rassembler comme ça sur la chaussée.

Follentin. — Oh ! Je vous demande pardon. Je ne savais pas. Voyons, ce tailleur !


Scène X

FOLLENTIN, LA COLLÉGIENNE puis LE MARCHAND DE FLEURS
À l’une des fenêtres de la maison de droite, qui est ouverte depuis le début de l’acte, parait une collégienne, la pipe à la bouche, un livre à la main.

La Collégienne, apercevant Follentin. — Ah ! ventre de mon père ! Le bel homme. (Lui faisant signe.) Eh, psst ! (Follentin se retourne pour voir à qui s’adresse l’apostrophe) Psst !

Follentin. — Ah ! c’est à moi

La Collégienne. — Attendez-moi un instant !… Je descends ! (Elle disparaît).

Follentin. — Oh ! (À part.) Qu’est-ce qu’elle me veut, cette petite ?

La Collégienne, projetée en scène par un toboggan qui émerge en dehors du mur de la maison. À cheval sur l’extrémité du toboggan. — Bonjour m’sieur !

Follentin. — Hein ! Comment !… Elle a pris la gouttière !

La Collégienne. — Ce n’est pas une gouttière, monsieur, c’est le toboggan de la maison.

Follentin. — Ah ! je ne savais pas qu’on avait adopté…

La Collégienne. — Oh ! partout ! C’est si commode quand on est pressé.

Follentin. — Et qu’est-ce que vous me voulez, ma petite fille ?

La Collégienne. — Oh ! m’sieur, vous attendez quelqu’un ?

Follentin. — Non, ma petite amie, non.

La Collégienne. — Oh ! alors, si vous n’attendez personne, on pourrait peut-être tous les deux…

Follentin. — Quoi donc, ma petite fille ?

La Collégienne. — Oh ! m’sieur ! Vous êtes beau !

Follentin. — Hein !

La Collégienne. — Vous ne voulez pas que nous allions prendre quelque chose au bar tous les deux ?…

Follentin. — Nous !…

La Collégienne. — Un petit apéritif, n’importe quoi !… un étherbrandy, une morphine-curaçao, quelque chose qui mette en appétit.

Follentin. — Non ! Non ! je vous remercie bien !

La Collégienne. — Oh ! m’sieur ! ne soyez pas cruel, si vous ne voulez pas aller au bar…, eh ! bien, on pourrait… (Elle lui parle à l’oreille.)

Follentin. — Quoi ?… Mais, ma parole, elle me fait des propositions !

La Collégienne. — Oh ! m’sieur, m’sieur, tout ce que vous voudrez !… vous savez, j’ai 40 francs.

Follentin. — Quand vous en auriez 40 000 ! C’est ça qui m’est égal ! Vous n’avez pas honte ! À votre âge !

La Collégienne. — Quoi ! à mon âge ! J’ai quinze ans ! et toutes mes camarades ont de petits bons amis, des garçons de brasserie, ou des petits cocos du quartier.